Écrit par Jean Felix Hurbin
En effet, dès que je crois, il y a pour moi ceux qui croient, comme moi, et tous les autres : autant je vais me sentir bien (reconnu, aimé, protégé, nourri,…) par ceux qui croient comme moi (ma communauté), autant les autres, tous les autres, vont me poser un problème : pourquoi cet autre ne croit-il pas, comme moi, à quelque chose qui à moi me paraît aussi sûr, aussi vrai, aussi beau ?
Plusieurs réponses sont possibles :
Que faire dans ces cas-là ?
Lui donner l'info, faire de la pub bien sûr !
Et c'est là que le prosélytisme apparaît, sous toutes ses formes :
Dans tous les cas, le prosélytisme fait partie intégrante des religions : la révélation crée « deux » : deux communautés, deux mondes, que seul le prosélytisme, doux ou violent, pourra refondre en une.
L’anecdote qui suit va pouvoir illustrer ce que je veux dire.
Adolphe était un collègue consultant et formateur : un homme en or, sympathique, généreux, rigoureux. Un catholique convaincu , pratiquant, impliqué dans des projets caritatifs. Diamétralement opposé à l'idée que nous nous faisons de ce pharisien, imbu de lui-même et de ses croyances, qui remercie Dieu de ne pas être « comme ce Publicain ». Un soir de séminaire d'équipe, nous parlions religion. Et je lui ai posé cette question : « Même toi, si respectueux des autres, si ouvert, en rien prétentieux, est-ce qu'au fond de toi, chrétien, il n'y a pas malgré tout le sentiment d'avoir quelque chose que les autres n'ont pas, que tu aurais et qu'ils n'auraient pas ? ». Adolphe a souri : il avait parfaitement compris le sens de ma question, et son intention. Il n'a pas répondu tout de suite :il a réfléchi, par rigueur et sincérité, et puis il m'a dit : « Si ». Oui, il avait parfaitement compris ce que signifiait cette réponse : car malgré l'énorme différence d'attitude et de comportement qu'il y a entre un Adolphe et un pharisien, ce sentiment d'être différent, ou « élu », ou « touché par la grâce de la foi », est fondamentalement le même. Et cette différence ne peut qu'être traitée de la manière dont je disais dans les pages précédentes : un prosélytisme, dû à la certitude que l'on a d'être dans la vérité, contrairement aux autres, et qui, de la tolérance de l'homme de bonne volonté aux abominations des fanatiques, n'est qu'une question de degré.