L 'éternel retour du même : Pascal Paoli ? Mythe fédérateur et émancipateur ?

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Suite à notre Table Ronde de Thoiry du 17 septembre 2016, sujet  "La Paix par le droit et non la paix par la force" il nous est apparu utile d'en évaluer le principe en ce qui concerne la CorseCe, à un moment où le FLNC "dormant" ordonne à l'opinion publique corse de "bien voter" lors des prochaines élections territoriales, sous peine de reprendre la lutte armée clandestine. 
D’où l’organisation d’une «rencontre-écoute » avec de simples citoyens, sans mandats ou responsabilités particulières, mais ainsi représentatifs d’un fond global de pensées réactives à propos de faits interpellant leurs sensibilités particulières.
On trouvera ci-après le compte rendu de cette rencontre (lequel a fait l'objet d'une brochure).
De manière à évoquer le contexte historique de celle-ci, en annexe, on pourra consulter un texte intitulé "Paoli, général de la Corse" ainsi que le texte de la Constitution édictée par Pascal Paoli en 1755.

Avertissement : On a bien tort, nous continentaux, de saluer "la beauté" de l'île Corse  et, en même temps, d'en moquer le "particularisme culturel identitaire" de ses habitants. En fait, terre et hommes forment un tout indissociable. C'est l'héritage d'une histoire que la géographie n'a pas manqué de forger. Pour le beau des sites et le pire quant aux gens.

Ce qui en symbolise peut-être le mieux le "mal-être", ce sont les tours gênoises qui jalonnent les côtes. Tours de guet, face au grand large, là d'où viennent les envahisseurs ; populations repliées dans des "pièves", isolées les une des autres par les montagnes et les conditions climatiques  ; soumises aux dictats de potentats locaux, au demeurant antagonistes entre eux ; en somme en dehors, et presque de tous temps, du pari humaniste de Paix par le droit en non la force... prenant la forme de l'aliénation civique par le clientélisme en nos temps modernes.

Ainsi, la « corsitude » est-elle un sentiment d’appartenance à un projet commun de désaliénation culturelle et politique. Il se fonde sur un projet historique avorté : celui d’un peuple dans une ile de briser le couvercle de tutelles successives. Clanisme et clientélisme en sont de modernes avatars.Autonomisme et indépendantisme en sont une proposition de recours.

Alors un mythique Pascal Paoli pour arrêter l’horloge du temps qui passe ? Et effacer Bonaparte, enfin ?

En tous cas, de jeunes associations citoyennes (telle Spiritu Paolistu à l'ile Rousse) s'inscrivent dans des démarches humanistes locales d'avenir. Ce qui gage un futur ouvert au progrès social et démocratique à une Corse enfin décomplexée vis à vis de son histoire.

  Pourquoi cette « rencontre culturelle de Balagn

L'action politique de  Briand et de  Stresemann à la Société des Nations, entre les deux guerres mondiales,s’inspirait de la philosophie d’Emmanuel Kant de « Paix par le droit et non de paix  imposée par la force 

La Table Ronde, organisée à Thoiry le 17 septembre 2016 par  le « Cercle Républicain Quinet-Briand », a voulu tirer les leçons de l’échec  de la Société des Nations de n’avoir pu éviter la seconde guerre mondiale ; faute d’instruments juridiques internationaux et militaires d’en imposer la  quintessence par une loi universelle.

D’où la proposition de détailler le concept global de Paix Mondiale en trois constituants fondamentaux à inscrire dans trois normes universelles cohérentes.

A savoir:
            1/ La paix religieuse par la sanctuarisation du concept de liberté de conscience dans la norme universelle (Droits de l’Homme -ONU.)
            2/ La paix sociale par un Droit du Travail universel condamnant la pratique TINA (there is no alternatives) de « concurrence juste et parfaite » entre les salariés (OIT).
            3/ La paix civile par l’accès de tous à l’instruction et la culture afin de créer les conditions d’une citoyenneté universelle, « juste et parfaite » par l’exercice de la « raison critique ».
           
            Suite à cette rencontre, à laquelle participait des amis  corses, il fut décidé que les organisateurs continentaux de ladite Table Ronde séjourneraient en Balagne dans le cadre d’un voyage d’étude sur « la paix par le droit et non par la force » en Corse.
           D’où l’organisation, comme déjà dit, d’une «rencontre-écoute » avec de simples citoyens, sans mandats ou responsabilités particulières,mais ainsi représentatifs d’un fond global de pensées réactives à propos de faits interpellant leurs sensibilités particulières.
          A noter, en passant, que Briand, Stresemann et Paoli partagèrent le même idéal des Lumières par l'intermédiaire de leur appartenance aux courants maçonniques de leurs temps.
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Rencontre culturelle de Balagne du 10 octobre 2017

 

Contribution de Milo

A cette « rencontre culturelle » assistent des personnes ne connaissant rien ou pas grand-chose de la Corse.

Afin de les aider à repérer les traces de ce qu’étaient la Corse et ses habitants autrefois, je vais leur donner deux indices en empruntant des chemins de campagne et en observant ce qui nous entoure :

-        le premier indice : Lorsque l'on circule, si l'on est attentif, on peut observer dans le paysage, au milieu des pentes envahies par le maquis, des surfaces circulaires horizontales bordées de pierre dressées. C'est ce que l'on nomme en corse une « aghja », c'est-à-dire une aire de battage. La présence d'une « aghja » signifie que l'on faisait pousser du blé, et cela, même en altitude.

-        Le second indice : lorsque l'on circule sur le littoral, on traverse des agglomérations de constructions en majorité plutôt récentes (hôtels, centres de vacance, villas ...), qui sont des hameaux, des lieux-dits de communes dont le chef lieu est, lui, situé sur les pentes qui dominent ce littoral. Et en effet lorsque l'on regarde vers la montagne on aperçoit des villages anciens qui sont, en fait, les premiers lieux de vie du peuple corse.

Ce que nous apprennent ces deux indices, c'est que la société Corse qui était une société agricole est devenue une société basée essentiellement sur le tourisme.

Il y a longtemps la vie avait pour territoire la montagne mais, plus récemment, elle est descendue sur le littoral avec le développement du tourisme.

Une société agricole : le paysage corse a été façonné, pierres par pierres, par les membres de cette société traditionnelle depuis la nuit des temps. Le paysage a été modelé pour y habiter, se protéger et y subsister en le cultivant.

La vie était dure et marquée par des invasions et des exils. Mais l'exil était surtout dû à des raisons économiques et, comme la France possédait encore des colonies, les corses partaient pour y trouver du travail.

La vie était donc difficile et nécessitait beaucoup de solidarité et d'entraide

L'ère du tourisme : le tourisme, mais aussi un élevage  mal encadré, ont modifiés le paysage en détruisant et emportant tout. Le maquis a pris le dessus dès la moyenne montagne tandis que le littoral découvrait la richesse qu'il pouvait tirer du tourisme. Les conséquences en ont été : invasions, argent facile, individualisme, spéculation, délinquance, violence, dérives mafieuses.

L'IMPORTANCE DE LA GÉOGRAPHIE

De ce qui précède on peut penser qu'il n'y a là rien d'exceptionnel et que c'est une situation commune à beaucoup de régions sur le continent. Mais c'est oublier que la Corse est une île, mais aussi et surtout, une montagne dans la mer.

Une île : cette île est confrontée à des éléments violents aux origines naturelles ou humaines : vents, pluies, incendies.

Habiter une île c'est aussi être confronté à des déplacements entravés vers le continent car on est tributaire de la régularité des liaisons maritimes et aériennes.

Une montagne : l'île est constituée de vallées plutôt enclavées et donc relativement isolées les unes des autres. C'est une montagne dans la mer, dont les habitants étaient tournés vers l'intérieur. Il y avait peu de marins car la mer représentait le danger : tempêtes, invasions.

Le littoral : il faut savoir que le littoral corse a longtemps été insalubre (marécageux) et vecteur de maladies (malaria). Il n'est devenu vivable que depuis la 2ème guerre mondiale.

FONCTIONNEMENT POLITIQUE ET ECONOMIQUE

Pour répondre à la question je vais aborder deux domaines : le politique et l'économique

1° LE CLAN : socle du fonctionnement politique.

L'ancienne société agricole implantée dans une « montagne dans la mer » était organisée autour des « piève », c'est-à-dire les anciennes circonscriptions territoriales d'origine ecclésiastique, devenues ensuite les cantons.

Cela a fait naître un fort sentiment d'appartenance à une communauté solidaire qui a évolué vers une organisation en clan.

L'insularité et l'appartenance à la civilisation méditerranéenne font que la Corse a toujours accordé une place prépondérante à la famille.

C'est l'unité sociale fondamentale de la société corse. Elle constitue un réseau de solidarité animé par une force collective tournée vers la réussite et au service de l'honneur.

Elle est donc au cœur de l'identité corse. L'individu seul n'est rien et n'existe que par les siens et son appartenance à un groupe.

 Le moyen d'identification en Corse se traduit par : « Ah, tu es le fils de ... ». Cela entraîne une pratique, fréquente, qui consiste à baptiser le nouveau-né du prénom de son grand-père ou de sa grand-mère. 

Le clan comprend la famille, les parents (au sens large), les amis (les voisins au village) et les clients (qui défendent les intérêts de la famille en échange d'une protection).

Le clan répond à la nécessité d'une solidarité sans faille pour affronter les multiples dangers environnants, comme les incursions d'envahisseurs ou les clans rivaux.

Le clan a donc au départ une fonction de protection et d'entraide.

Mais en retour il est aliénant car il faut « renvoyer l'ascenseur » et cela bloque toute évolution vers une libération de l'individu et du citoyen. Autre aspect négatif : la grande faculté de faire croire que ce qui est accordé est une faveur alors que ce n'est qu'un droit ou un dû.

Ce sont les luttes des clans qui ont fait et continuent de faire l'histoire de l'île.

Lorsque la Corse est devenue française en 1768, des « dynasties » se sont affrontées dans les urnes: les Pozzo di Borgo contre les Sebastiani sous la Restauration, les Gavini contre les Casabianca à la fin du 19ème siècle.

Plus proche dans le temps, à la fin du 20ème siècle et au début de ce 21ème siècle, ce sont encore quelques grandes familles qui dominent la vie politique locale : les Giacobbi, les Zuccarelli, les Rocca Serra. Dans ces familles les charges électives se sont transmisent de père en fils.

Mais actuellement ces trois familles semblent en voie de déclin, car les nationalistes (autonomistes et indépendantistes réunis) ont le vent en poupe, surtout parmi la jeunesse.

Ils ont conquis la mairie de Bastia, la CTC (Collectivité Territoriale  Corse) et obtenu 3 députés sur 4 aux dernières élections législatives grâce à une démarche d'ouverture vers les autres tendances politiques et en mettant de côté les revendications d'autodétermination et de souveraineté nationale.

Cependant, à l'occasion de la campagne pour l'élection de la nouvelle assemblée en fin d'année, l'accent semble à nouveau mis sur ces revendications.

Les nationalistes ont critiqué et même combattu le clan, mais cela n'a pas empêché certains d'entre eux, parmi les plus malins ou les plus charismatiques, de devenir des chefs de clans reconvertis dans l'affairisme.

Mais, dans le décor politique corse, actuellement en voie de renouvellement, il faut aussi noter l'émergence du Front National qui a été l'épouvantail des dernières élections présidentielles.

Pendant longtemps Jean-Marie Le Pen a été « interdit de séjour » en Corse. C'est ainsi qu'en 1994 les nationalistes l'ont empêché de sortir de l'aéroport d'Ajaccio. Mais depuis 2002 les scores du FN augmentent et sont parfois plus élevés que la moyenne française (Aux présidentielles de 2017 : 27,88% au 1er tour et 48,52% au 2ème tour contre 33,9% au niveau national).

Après l'aspect politique, passons au volet économique.

2°FONCTIONNEMENT ECONOMIQUE : accaparement de l’économie  corse.

L'économie corse ne représente pas grand chose. Par rapport à la France, elle représente 0,4% de son PIB, 0,5% de sa population et pratiquement 0% de ses exportations.

La réappropriation économique par les corses est donc loin d'être évidente. Et cela d'autant plus que l'économie corse est verrouillée au profit de quelques groupes : grande distribution, ciment, transports, syndicats de marins et de dockers.

 Il s'en suit une cherté de la vie qui n'a pas que le coût de l'acheminement des marchandises pour cause objective, mais plutôt les pratiques des  intervenants, qui avancent cela comme alibi, pour justifier des prix élevés et faire fructifier leurs affaires (Ex : les prix de l'essence, de la construction, de l'alimentation …)

Cela a conduit la nouvelle assemblée de Corse (CTC), où les élus nationalistes possèdent une majorité relative, à vouloir modifier cet état de fait. Elle souhaite donc privilégier les investissements corses afin de maîtriser les  transports maritimes, ainsi que le recours aux énergies renouvelables pour atteindre l'autonomie énergétique du territoire.

Mais cette action peut être contrariée et réorientée à leurs profits par des groupes d'intérêts économiques corses qui entendent tirer leur épingle du jeu.

Un bon exemple de cela c'est la transformation de la compagnie de navigation SNCM (du groupe  VEOLIA), en une compagnie « régionale », la Corsica linéa, qui, reprise par le patron de la société Rocca, a été rapidement cédée à un consortium d'entreprises corses.

La Corse a besoin de temps avant de voir les effets de la nouvelle gestion, car les actions à engager sont des actions au long terme, alors que la durée du mandat de la majorité actuelle n'est que de 2 ans et se termine en décembre.

Pour conclure à propos du fonctionnement de la Corse, à la lumière des évolutions en cours et considérant que le clan n'est pas la panacée, car il étouffe la Corse, je vais reprendre les mots des nationalistes au pouvoir : « Tamanta strada ». Une formule que l'on peut traduire en français par : « une si grande route », dans le sens de : un chemin immense à parcourir.

Une formule que chacun peut interpréter selon sa sensibilité et qui peut s'appliquer à des chemins différents mais avec un même but : faire avancer la Corse 

LA CORSE ET LA RELIGION

 Voici quelques indices pour répondre à la question et décrire cette relation :

-        L'hymne corse est un chant religieux : le « Dio vi salvi Regina ».

-        L'île est placée sous la protection de la Vierge Marie : le 8 septembre, il y a de nombreuses cérémonies dans les villages avec des processions.

-        Pascal Paoli ne voulait pas d'un titre de Chef d'Etat mais du titre de « Lieutenant Général de l'Immaculée Conception en son royaume de Corse ».

-        A partir du 11ème siècle on  peut observer un attachement sincère au Saint siège puisque de très nombreux corses serviront dans les troupes papales.

-        La renaissance des confréries depuis quelques années (U Riacquistu).

Tout cela nous indique que la Corse, après une période marquée par la superstition, est catholique mais avec une approche parfois différente révélée par la participation des confréries et l'utilisation de Rituels particuliers lors des cérémonies religieuses.

LES CONFRERIES

Le « Riacquistu », qui est un mouvement de réappropriation de la langue et de la culture corse, a vu depuis les années 1970, la renaissance des confréries qui avaient plus ou moins disparues, ou été mises en sommeil.

Les confréries sont très vivaces dans la partie occidentale de la Méditerranée : Espagne, Italie, sud de la France et donc la Corse. Elles sont des associations laïques dépositaires de traditions religieuses et culturelles.

En Corse elles ont un rôle social hérité d'une vieille tradition franciscaine. Elles ont pour objet d'être auprès des plus démunis et de ceux qui souffrent.

Elles observent des rituels spectaculaires en particulier lors des fêtes de Pâques, avec par exemple la Granitola (une procession en spirale) à Calvi ou le Cattenacciu à Sartène.

A une certaine époque on a pu également observer, parallèlement au catholicisme, une pratique chamaniste en Corse : le Mazzerisme.

Voici d'abord un petit rappel de ce qu'est le CHAMANISME

Le chamanisme serait originaire des steppes de Sibérie et de Mongolie et aurait fait son apparition au paléolithique.

Ses premières traces remontent à cinq mille ans en Sibérie. Il a ensuite traversé le détroit de Bering et s'est développé chez les Inuits et les Amérindiens.

 « Face aux phénomènes et catastrophes naturels, au mystère de la vie, les peuples de la steppe ont conservé une croyance en l'existence d'une force suprême cachée et en l'ubiquité des esprits qui seraient à l'origine de ces événements. Le chaman joue les intercesseurs car, lié aux esprits de ses ancêtres, il est doté de dons pour soigner, exorciser et jeter des mauvais sorts. » (revue « ULTREÏA ! » n° 07 article « La Mongolie chamanique »

LE MAZZERISME

Le MAZZERISME est la version corse du chamanisme.

Son nom vient du vocable « I mazzeri » qui désigne en corse ceux qui relient les vivants avec le monde parallèle des morts.

On dit que l'on reconnaît les mazzeri à leur regard : ils ne vous regardent pas, mais regardent à travers vous.

Selon Roccu Multedo, « Le mazzeru est quelqu’un qui voit et qui entend ce que les autres ne peuvent ni voir ni entendre. ». …

 « Le mazzeru est un homme comme vous et moi, qui fait des rêves de chasse. Il se poste, en esprit, au gué d’un ruisseau. Il abat la première bête sauvage ou domestique qui vient à passer et qui est l’esprit d’un être humain.

Après l’avoir tuée, il retourne la bête sur le dos. Il s’aperçoit, alors, que le museau de l’animal est devenu le visage d’une personne de sa connaissance, qui va mourir. …

 En effet, la bête tuée représentait son âme : c’est pourquoi, privé d’âme, son corps ne tardera pas à dépérir

« Le mazzeru, paraît être à la fois sacrificateur, psychopompe (conducteur des âmes des morts) et guérisseur.

L'animal chassé représente l'âme d'un malade, » ... âme qui vient de quitter son corps, causant ainsi sa maladie. ...

« Le mazzeru sacrificateur poursuit l'animal et le tue afin de l'offrir à Dieu, et d'obtenir ainsi la guérison du malade. Il va s'agir ensuite pour le mazzeru guérisseur d'essayer d'arrêter l'hémorragie, ... et de faciliter au malade, ainsi privé de son âme, la périlleuse traversée du pont ou du gué qui constitue la frontière ... entre les deux mondes ...»

 

Les Mazzeri ont également une fonction de protection du « clan ».

Cela se fait au travers de  combats entre mazzeri (dénommés MANDRACHE) dont le but est de protéger la piève. Ces combats se déroulent dans la nuit du 31 juillet au 1er août sur un col qui sépare deux pieve. Les mazzeri d'un même village, regroupés en milice, affrontent ceux de la communauté voisine.

L'issue de cette bataille, qui se fait à l'aide d'asphodèles, détermine le taux de mortalité de l'année à venir, dans chacune des communautés. Chez les vainqueurs, la mortalité sera faible; chez les vaincus, forte.

En conclusion, la pratique religieuse en Corse, après un relatif déclin, connaît un renouveau caractérisé par la renaissance des confréries qui pratiquent des rites anciens dont sont parfois exclus les prêtres.

 

Contribution de Clara

Pour ma part, c’est d’un  questionnaire élaboré par l’Assemblée de Corse pour connaître les orientations religieuses des élèves et de leurs parents dont je voudrais parler.

° Tout commence par un mail  reçu par les Directeurs d’écoles. Daté du 16 mars 2017 à 17h00 il  émane de Mme Dominique Verdoni, la Directrice de l’ESPE de Corse qui dépend de l’Université de  Corse. L’ESPE, c’est l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education. C’est le nom actuel des ex IUFM ou des très anciennes écoles normales.

Ce mail s’intitule « Recueil de données dans les établissements ».

Extraits :

L’Università et plus précisément l'ESPE de Corse, a été saisie d’une demande émanant du Président de l’Assemblée de Corse, Monsieur Jean-Guy Talamoni, concernant les questions traitées par la commission permanente chargée de travailler sur la diversité culturelle.

Cette question, qui devrait être présentée aux élus au mois de juin prochain avant de faire l’objet d’un rapport, requiert en amont la réalisation d’un état des lieux de la situation insulaire alimenté par une remontée de données de terrain. Dans ce cadre, des questionnaires, portant sur la diversité des publics ont été élaborés par les enseignants-chercheurs de l’Università, sur la base de l’enquête nationale « Trajectoires et Origines » menée conjointement par l’INSEE et l’INED en 2008.

Pour permettre la mise en place de ce protocole,  l’ESPE de Corse va charger ses étudiants, notamment les fonctionnaires stagiaires de l’Académie, ainsi que les contractuelles remplaçantes du Grand Plan de Formation Langue Corse qui sont affectés dans votre établissement, de ce travail d’enquête de terrain.

Ainsi, je vous remercie de bien vouloir autoriser et faciliter ce travail de recueil de données qui sera réalisé auprès des élèves de votre établissement.

° Puis, courriel  de Monsieur Talamoni, Président de l’Assemblée de Corse.

Extraits

« Lors de la session de l’Assemblée de Corse qui s’est tenue le 13 décembre 2016, j’ai manifesté la volonté de poursuivre une réflexion de fond sur la problématique de la diversité culturelle et sa gestion...J’ai élaboré un cadre méthodologique susceptible de mener dans les meilleures conditions ce travail dont l’aspect stratégique ne saurait vous échapper. Il se décline en deux points l’état des lieux et les thématiques...J’ai pris l’initiative de prendre langue avec Mme Dominique Verdoni, Directrice de l’ESPE de Corse… Si vous êtes d’accord, nous pourrions envisager une collaboration soutenue concernant ce projet ambitieux 

° Le 17 mars tous les Directeurs d’école reçoivent un mail intitulé « Complément d’information sur le dispositif d’enquête sur la diversité »

Extraits : « Ce travail est collaboratif et se base donc sur le volontariat de chacun, il ne revêt aucun caractère obligatoire. Il répond à une volonté collective de bien appréhender les réalités qui sont les nôtres dans l'Académie de Corse afin d'élaborer tous ensemble des réponses appropriées à nos contextes dans l'intérêt des élèves dont nous avons la charge.

Pour cela, une première radiographie est nécessaire, afin de réfléchir en faisant la part entre les observables, les émotions, les ressentis, les jugements de valeurs, les représentations médiatiques... »

D’un point de vue des modalités, l’enseignant devra distribuer, en classe, le questionnaire imprimé aux élèves qui devront cocher les réponses. Il pourra choisir d’interroger tous les enfants de la classe en même temps ou bien en demi-effectif (pendant qu'un groupe fait une activité en autonomie, l'autre répond au questionnaire... par exemple). Certaines questions, selon l'âge des élèves, peuvent susciter des questions, l'enseignant donne quelques explications si besoin, mais si l'enfant… ne  sait pas, il coche la case correspondante. Qu'un élève ne sache pas que ce qui l'identifie est d'être une fille ou un garçon à 8 ans mais qu'il l'indique comme étant un marqueur d'identité à 12 ans, par exemple, nous donne une indication du moment où les discriminations (positives ou négatives) s'opèrent de façon individuelle et collective...

Concernant la méthodologie, les enseignants-chercheurs de l’Università ont élaboré deux questionnaires ciblant deux catégories de publics. Le questionnaire « public A » s’adresse aux élèves entre 8 et 10 ans (qui devront être aidés par leurs enseignants), et le questionnaire « publics B et C » s’adresse aux 11-18 ans et plus. Ces questionnaires ont été testés sur des enfants de 8-12 ans qui, pour les plus jeunes, ont mis une vingtaine de minutes ...

La collecte des données devra être réalisée avant le 12 mai 2017. »

Réactions :

° Le 20 mars Les Directeurs d’école reçoivent un mail de l’Inspection d’Académie

Mmes et MM les Directrices et Directeurs d’école

Vous le savez, une enquête sur la diversité culturelle est actuellement menée par l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education de l’Université de Corse.

Je vous confirme que cette enquête ne peut pas et ne doit pas être diffusée au sein de nos écoles.

 Merci d’en informer tous les personnels concernés.

Comptant sur votre vigilance

Christian Mendivé Directeur académique de Haute Corse »

° Entre-temps les médias (Corse-Matin, le Parisien, Marianne, Mediapart, ...) ont eu vent de cette enquête et ont eu connaissance des questionnaires. Alors que  les Directeurs d’école n’avaient  pas encore reçu les questionnaires.

Les 1ères questions sont anodines.

Mais les questions 51 à 60 sont axées sur les pratiques religieuses des élèves et de leur famille.

Exemples :

Question 52 : As tu une religion ? Si oui catholique, juif, musulman, autre, je ne sais pas
Question 53 : Est-ce que tu crois en Allah, Dieu, Yavé : oui, non, je ne sais pas
Questions 54 et 55 : elles concernent la religion  du père et de la mère
Question 60 : Dans la vie de tous les jours, est-ce que tu portes une croix, une kippa, une médaille, un voile, rien du tout.

° Ce sont les syndicats enseignants qui sont montés tout de suite aux créneaux, notamment le SNUIPP.

Un syndicaliste a dit : «  Jean-Guy Talamoni fait référence aux enquêtes de l’Insee mais elles sont encadrées et faites sur la base du volontariat, pas distribuées à l’école. Comment ne pas être schizophrène quand je dois faire signer la charte de laïcité aux familles des élèves et après demander leur religion. La dernière fois qu’on a fiché des enfants, ce n’était pas glorieux. On se demande comment une telle idée a pu naître. »

 Il est vrai que la loi « Informatique et Liberté » interdit de recueillir et d’enregistrer des informations faisant apparaître les origines raciales ou ethniques ainsi que les appartenances religieuses des personnes.

Et même la collecte de telles données sans que les parents soient avertis en amont pose aussi question.

° La suite : fin mars :

Les enseignants chercheurs de l’Université de Corse démentent avoir participé à l’élaboration du questionnaire.

Le président de l’Université Paul-Marie Romani dénonce « la révélation prématurée et clandestine  d’un questionnaire non encore finalisé et le traitement de cette affaire par les médias ».

° Cet épisode intervient alors que la question du vivre ensemble est sensible en Corse.

Pourtant comme le dit Joseph Maestracci, le président du collectif anti raciste « ava basta » :

« On vit ensemble. En Corse les cités comme on les imagine n’existent pas. Il y a des racistes en Corse mais la Corse n’est pas raciste, c’est important de le dire. On entend hurler les racistes, oui. Parfois, certains cèdent, hélas »

En effet de nombreux incidents ont émaillé le vie publique ces derniers temps :

Ainsi, en juin 2015, la fête de l’école de Prunelli di Fiumborbo a été annulée. Certains parents s’opposaient à ce que leurs enfants chantent la chanson « Imagine » de John Lennon en 5 langues dont l’arabe et menaçaient de troubler la fête. Sur les murs de l’école on a même trouvé des grafitis «  Arabi Fora » (« Les Arabes dehors »).

Le 24 décembre 2015 au soir, un camion pompier a été caillassé dans un quartier sensible d’Ajaccio. Deux pompiers ont été blessés. Le lendemain, une manifestation de soutien a dégénéré. Des extrémistes ont saccagé une salle de prière et ont tenté de brûler des corans.

Le 13 août 2016, une rixe survenue sur la plage du village de Sisco  a fait cinq blessés et a entraîné plusieurs jours de vives tensions dans la région. La commune de Sisco avait émis alors un arrêté « anti burkini »

° A  l’Ile Rousse :

Tout récemment, le 17 septembre 2017, une tête de sanglier était découverte devant un lieu de prière musulman de l’Ile Rousse. Cela s’était déjà produit en 2015 et en 2013.

Le 25 janvier 2016, une photo montrant un homme à genou faisant sa prière dans une rue de l’Ile Rousse avait agité la toile. L’union des marocains de Balagne avait même émis un communiqué :

« Nous condamnons avec la plus grande fermeté ce comportement qui va à l’encontre des principes de la laïcité et du vivre ensemble. Ainsi nous tenons à exprimer nos excuses les plus sincères à l’égard de nos concitoyens dont les sensibilités ont malheureusement pu être heurtées à la vue d’une publication de l’incident sur les réseaux sociaux. À l'avenir nous nous engagerons et nous veillerons activement à ce qu’aucun écart de ce genre ne puisse voir le jour par un travail de sensibilisation et de responsabilisation citoyenne au sein de la communauté musulmane. En ces temps difficiles de tensions sociales alimentées par la désinformation et les préjugés, nous aimerions toutefois faire appel à la lucidité, à l’intelligence et à la raison du peuple Corse afin de ne pas « tomber » dans les amalgames et la division. Nous souhaitons exprimer notre volonté de voir une société apaisée, dans laquelle le respect, l’amour et la convivialité soient les valeurs dominantes."

Conclusion : Pour terminer sur une note optimiste, je me souviens d’un repas extraordinaire et chargé d’émotions réunissant toutes les communautés de l’Ile Rousse autour de diverses spécialités culinaires. Il était organisé par un collectif citoyen «I Citadini l’Isulani »

Nous étions au moins 200 personnes je pense. C’était le 14 juin 2015, quelques jours avant le début du ramadan.

Contribution d’Alphonse

En ce qui me concerne, je crois utile de souligner la montée en puissance des rassemblements citoyens autour de questions vitales pour l’avenir de la Corse et de ses habitants.

Ainsi   voici le compte rendu des « I sicondi scontri per pensà l'avvene » qui se sont tenus le vendredi 4 août à la Résidence Benista à L’isula Rossa

De manière centrale, ils portaient sur  les thèmes d’éthique et d’émancipation

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Depuis plus d'un an, une dynamique c'est créé en Corse, elle mérite d'être regardée de plus près. Un certain nombre de questions avaient été adressés aux participants par Rinaldu Amadei et ont servi de fil rouge au débat : Mise à part la question de l'autonomie ou de l'indépendance, les principaux partis Corse, expriment-t-il des choix sociétaux et politiques pour atteindre leurs objectifs ?

Le désir de changement et de renouveau semble profond auprès des citoyens de Corse, mais est-ce un renouveau des pratiques, ou simplement des personnes ?

Y a-t-il une véritable adhésion populaire au projet d'émancipation ?

La protection de l'environnement, la cohésion sociale en luttant contre la pauvreté, la création d'activités pour les emplois durables pour notre jeunesse, sont-ils toujours nos trois fondamentaux ?

Avec quels principes éthiques la Corse assurera-t-elle son émancipation ?

Comment rassembler largement, autour de valeurs communes, une large majorité ?

Comment forger ensemble une communauté de destin ?

Nous avons choisi comme définition de l'éthique (source, toupie. Org): Vient du grec Ethikos, moral, et de ethos, mœurs que c’est une discipline philosophique qui réfléchit sur les finalités, sur les valeurs de l'existence, sur les conditions d'une vie heureuse, sur la notion de « bien » ou sur des questions de mœurs ou de morale. Comme l’a dit Vincent Carlotti pendant les débats, il ne faut pas confondre éthique et morale. La morale est personnelle, l’éthique est la façon dont nous agissions en public.

C'est à partir de cette définition, que nous devons nous poser ces questions.

  1. La marche vers l’émancipation :

Plus de cinquante participants actifs pour les rencontres 2017 sur le thème ´éthique et émancipation' de la Corse avec comme orateurs principaux à côté de Henri Malosse et Rinaldu Amadei, Président et sécrétaire général de Pensà l’Avvene, Jean Christophe Angelini, President de l'ADEC, Vincent Carlotti de la gauche autonomiste, Ghjuseppu Maestracci d'Ava Basta, Marc Antoine Campana de Pudemu, Thierry Dominici de Presenza Paolina. Parmi les prises de parole à citer aussi Joseph Colombani le Président de la Chambre régionale d'agriculture.

Il est ressorti d'un débat très riche le fait que l'émancipation était le préalable à toute marche vers l'autonomie et/ou l’indépendance. Elle passe par la coupure des liens de dépendances et la dénonciation des pratiques claniques, d'assistanat et clientélistes ainsi que d'une tolérance 0 vis à vis de toute forme de criminalité, y compris en matière économique. Mais cette émancipation implique avant tout un travail sur soi-même et des actions vers l'éducation. La France jacobine ne peut favoriser cette émancipation qui doit partir d'une alliance entre forces politiques de progrès et société civile de Corse.

Il faut parler vrai. Comme l’a rappelé le conseiller Exécutif Jean Christophe Angelini, la Corse ne dispose d’aucuns vrais attributs d’autonomie aujourd’hui. Tout au plus peut-on parler d’autonomie de gestion dans un certain nombre de domaines où nous sommes cependant toujours sous la tutelle de facto de l’Etat français, de ses représentants, de sa justice pénale et administrative. Rien ne serait plus dangereux que de faire croire que la Corse peut être aujourd’hui gouvernée par les Elus de la Collectivité

L'Europe, par contre, est un cadre qui, si elle est perçue comme un élément d'ouverture et non comme une simple ´vache à lait ´, peut y contribuer par les échanges d'expériences, les échanges et les coopérations transfrontalières.

La dynamique qui s'est créé en Corse autour des deux socles nationalistes fusionnés, per à Corsica, a très bien fonctionné jusqu'ici.

On ne peut que s’en féliciter car ce type de fusion, du point de vue stratégique, a fait ses preuves dans d'autres territoires en lutte pour leurs émancipations comme l’a rappelé Thierry Dominici.

Pour autant il faut se méfier des formules attrapes tout, genre parti unique ou ni de droite, ni de gauche, ni du centre. La politique est faite de choix de société. Il faut se méfier d’un « apolitisme » qui de fait deviendrait hégémonique et ne pourrait que susciter le rejet d’une société démocratique dont le débat d’idées fonde l’essence même. Même si un projet d ‘émancipation peut rassembler très largement, il ne peut éluder la question du choix de société. Faire de la politique au gré des sondages d’opinion, comme on mènerait une campagne de marketing ne peut que tuer la démocratie et favoriser une radicalité extrémiste, de droite, de gauche, même du centre et aussi religieuse. A cet égard il y a bien des aspects inquiétants dans la démarche actuelle d’Emmanuel Macron depuis son élection.

Rien n’est plus porteur de dangers qu’une pensée unique. Le temps est venu pour les différentes structures de proposer des positionnements qui soient visibles par tout le monde et qui permettent d'élaborer concrètement les politiques sociales et sociétales que l'on souhaite.

Qu'elle soit autonomiste, qu'elle soit indépendantiste, elles seront de droite, du centre ou de gauche. En fait les intervenants aux « scontri » semblent plutôt se retrouver sous l’étendard « progressiste »

La situation économique de l'île ne permet plus les grands écarts et doit, pour se développer, pouvoir compter sur les politiques claire et lisible de ses institutions.

Lors du dernier scrutin, au-delà de la dynamique, Henri Malosse a noté que les anciennes méthodes avaient encore cours, course aux procurations, visite de courtoisie aux uns et aux autres, rencontres avec les maires "traditionnel" qui soudain soutiennent le projet d'émancipation de la Corse.

Mais très peu de débat dans le fond, alors qu’on aurait pu parler de lois constitutionnelles, qui justement, permettent de développer et d'émanciper notre Ile.

Comme si il ne fallait pas gêner l'électorat des retraités, des fonctionnaires, et autres pensionnés, qui comme chacun le sait sont les forces vives de notre île les plus difficiles à convaincre, les précaires et les chefs d'entreprises étant pour leurs part déjà convaincu.

Nous nous sommes demandés quel sera l'avenir de la Corse, comment les générations à venir vont vivre ensemble dans cette corse d'aujourd'hui, multiples et variées, ou les véritables valeurs, semble corrompue par un système que nous avons su faire notre: La saisonnalité de l'économie et la précarité qui va avec.

Avec Marc-Antoine Campana, nous refusons la fatalité d’une île qui ne vit que 3 mois par an et n’offre que l’exil comme perspective à sa jeunesse la mieux formée.

 Ghjuseppu Maestracci et Thierry Dominici ont insisté de leur côté sur la valeur d’une Communauté de destin pour tous les habitants de l’île, qui d’une manière claire et définitive, refuse toute forme de discrimination, exclusion ou racisme.

  1. Quelle éthique ?

Nos valeurs folkloriques cachent un individualisme forcené.

La question « qui tue » est donc bien la suivante : avec quels principes éthiques la Corse assumera-t-elle son émancipation?

On entend partout en off : è cumu voli fa ? chì poi fa ? sò tutti i listessi !! (Comment faire ?, qu’est-ce que tu veux faire ?, c'est tous les mêmes !)

Ce découragement majoritaire, ce fatalisme, pourtant, fait tache dans la dynamique.

Il laisse sous-entendre une forme atavique, d'arrangement, de compromis, parfois même jusqu'à la corruption.

La corruption, la fraude, n'est pas nécessairement financière, c'est parfois simplement l'arrangement, pour tout un tas de raison (souvent personnelles), entre deux personnes qui s'autorisent de dépasser les règles qui cadre le vivre ensemble et la chose publique. (Désordre sur le domaine public, plages, rues piétonnes, règles des marchés publiques etc...)

Tout le monde est d'accord pour que cela change, mais personne ne fait rien.

Personne ne fait rien à tous les niveaux, de l'institution, aux entrepreneurs, qui usent et abusent du domaine public jusqu'à le faire sien.

Et on le comprend, car la manne économique touristique se réduit comme une peau de chagrin, en Corse nous ne vivons pas du tourisme, c'est le tourisme qui nous fait vivre et la nuance est de taille.

Nous avons des potentiels exceptionnels pour autant peu de moyens pour les activer, la filière bois (qui a redémarré trois fois ces trente dernières années), les énergies renouvelable, la maîtrise de l'eau, et que sais-je encore des activités qui pourront découler de tout cela.

L'émancipation doit être un projet pour tous destiné à forger une communauté de destin. Mais pour constituer une majorité autour d'un tel projet, il est nécessaire de proposer un choix de société

En premier lieu nous plaçons la protection de notre environnement, patrimoine naturel et culturel aujourd'hui fortement menacés par de graves atteintes (minage du littoral, érosion des plages et des côtes, crise des déchets, désertification de l'intérieur, gaspillage de nos ressources en eau ..) et par une tendance à l'uniformisation et la banalisation de notre cadre de vie ( lotissements sans caractères, profusion des grandes surfaces etc ..)

En second lieu il ne saurait y avoir de majorité sans un socle social qui associe l'ensemble des populations, avec la cohésion sociale comme priorité. Le développement des inégalités en Corse est à cet égard un souci majeur qui ne peut être passé sous silence tout comme toutes les formes de rejets de l'autre et de racisme.

Enfin, la création d'activités pérennes pour créer des emplois durables dans tous les secteurs d'activité, traditionnels comme innovants, doit nous projeter dans une Corse qui connaîtrait dans une dizaine d'années le plein emploi et donnerait des emplois à tous nos jeunes qui le souhaiteraient. Il s'agit de passer d'une économie d'assistanat, de cueillette (tourisme) et s'appuyant sur quelques niches fonctionnent en monopoles, vers une vraie économie diversifiée grâce à des filières et des pôles d'activités performants.

Le tourisme ne devrait plus être l'alpha et l'oméga de la Corse. Il peut être une a base sur laquelle construire notre émancipation économique, à condition qu’il soit maitrisé, concerté, durable et qu’il contribue à la fois à préserver notre patrimoine naturel et culturel, offre des emplois pérennes et qualifiés à notre jeunesse, serve de levier à d’autres secteurs de l’économie et permette de dégager une épargne qui va s’investir pour une diversification économique (l’exemple de Malte)

  1.  En guise de Conclusion

Ainsi la marche vers l’émancipation devrait selon nous, plutôt que de se focaliser sur des questions institutionnelles,porter sur les choix des sociétés.

L’émancipation doit être d’abord individuelle, et rassemblée en même temps dans un projet collectif. Elle ne peut être l’apanage d’un parti unique ou d’un homme providentiel. Il faut croire en nos propres forces.

 Le processus d’émancipation commence par nous même, le travail d’éducation et notre capacité collectif à construire un socle majoritaire, alliant forces politiques et de la Société civile. Il faut croire en nos propres forces, en un mot « il faut croire en nous » et conduire la Corse vers une sorte de ´Benista' (bien être, bonheur) comme l'a prophétisé Joseph Colombani.

Contribution de Romain

 Il vient d’être évoqué le passé et le présent de la Corse. Je voudrais parler d’avenir.

 Non pas de manière globale mais au travers d’engagements sociétaux, culturels et citoyen au niveau de notre cadre de vie local : l’Ile Rousse.

Et ce par l’intermédiaire d’une association que  nous avons crée : SPIRITU  PAOLISTU.

L’association Spiritu Paolistu a pris naissance à partir de la volonté commune d'une dizaine de personnes issues des différentes couches sociale de la société (restaurateurs, agriculteurs, employés, étudiants) de fédérer toutes les personnes de bonne volonté, afin de créer une structure qui permettrait d'œuvrer à l'émancipation intellectuelle et humaine des générations futures.

 Dans un contexte économique et social fragilisé, ou la mondialisation uniformise les personnes, il nous a semblé impératif que nous nous recentrions sur nos valeurs et notre histoire afin que nos racines ne tombent pas dans l’oubli.

 
La promotion de la culture corse, de la langue corse, la sauvegarde du patrimoine et l’aide sociale sont nos principaux objectifs.

Le nom de l’association n’a  pas été choisi  au hasard.

"Spiritu Paolistu" signifie «  esprit paoliste ». Il est donc imprégné d'une symbolique très forte, car pascal Paoli, qui fut le général de la nation Corse lors de son indépendance au 18 siècle, eût à la fois le courage de s'élever contre l'oppresseur génois ,de déclarer la guerre au royaume de France quand celle ci racheta les droits de la souveraineté de la Corse à la république de Gênes


Il est connu pour avoir été un homme juste et tolérant, avec une vision noble de

L’Humain.

Son aura fut si grande qu'en exil, il fut reçu par toutes les grandes cours d'Europe.

Notre association s'attèlera à perpétuer son travail humaniste et spirituel au quotidien.

Le jugement qu’il rendit en 1763 au sujet du droit de vote d'un juif immigré à l’île rousse résume la conscience intellectuelle du général :

"La liberté en Corse ne confesse pas et ne consulte pas l'inquisition".

Ce sont ces valeurs de la Corse du 18ème siècle, un pays à part entiers à la fois unis, ouvert, humaniste , et capable de créer lui même sa communautés et de destin que nous voulons perpétuer dans une société en manque de repères.

Une analyse profonde de plusieurs mois a été nécessaire afin de mettre en place un travail structuré car notre engagement est à la fois culturel, social, et politique.

Notre association est articulée en différents ateliers :

 
*Social: Action au profit d'associations caritatives Mise en place d'une épicerie solidaire;
*Culturel : Ateliers d’apprentissage de la langue corse.

 Nous partons en effet du principe que le ciment d'une société est la langue. C'est pour cela que nous avons mis en place des cours de Corse pour adultes et enfants afin de ne pas subir une décision législative sur la co-officialité des langues, mais plutôt de la pratiquer afin qu’elle se perpétue.

*Conférences : Diverses et variées autour de la corse et de son histoire 
 * Patrimoine : Topographie et réhabilitation des sites historiques, protection du patrimoine naturel  de la Corse.

  *Cercle de réflexion sociétal : À travers ce cercle, l’objectif est de fournir un travail de réflexion et de propositions sur des sujets comme les déchets, les transports, les énergies nouvelles, la sécheresse, le vivre ensemble afin de  verser dans le débat public des thématiques ou des problématiques qui touchent les Corses au quotidien, mais qui ne sont pas assez prises en compte ni par la classe politique, ni par les médias, ni par les relais d’opinion.

Le but est d’atteindre un mode de fonctionnement alternatif faisant appel à toutes les bonnes volontés et qui favorise les rapports humains, l’échange, le dialogue, le respect du travail effectué et sa valorisation.

Quant à la commémoration du retour des cendres de Pascal Paoli, c’est pour nous un devoir de mémoire envers le fondateur de la cité de l’île Rousse.

Il nous a donc semblé important de créer un événement mêlant à la fois l’éducatif,  l’historique et la convivialité pour honorer sa mémoire.

Ainsi, la manifestation du 6 octobre a proposé :

*une découverte éducative de l île rousse pour les enfants

*diverses conférences autour de Pascal Paoli ,

*des activités sportives et culturelles tout au long de la journée .

Cet événement a pour but d'être pérennisé annuellement en espérant qu’un jour les futures générations le reprennent à leur charge.

Peut être qu’à ce moment-là une part de notre travail aura eu son effet et que l’esprit Paoliste se perpétuera au fil des prochaines décennies.

…………………………………………

Annexes

(1)

Ce texte est issu du web, mais hélas nous ne connaissons pas son rédacteur. Qui soit t’il,  nous le remercions pour son travail concis, mais non moins de qualité et très pédagogique. Il résume l’essentiel de l’engagement de Pascal Paoli, et donne un profil intéressant du personnage pour ceux qui ne le connaissent pas  (massonica nova)  

 

Pascal Paoli, général de la Nation

 Constitution pour la Corse de 1755

  En 1730, s'achève la domination qu'a exercée Gênes sur la Corse en continu depuis 1570. Commence alors la Révolution corse qui durera 40 ans jusqu'à la prise de possession de la Corse par la France, à qui Gênes la cèdera.

C'est une insurrection paysanne en réaction à l'impôt qui lance le mouvement, mais elle s'explique également par d'autres raisons: la faiblesse et la corruption d'une justice qui ne parvient pas à régler le problème des neuf cents crimes de sang annuels et le despotisme dédaigneux des autorités gênoises.

Cette insurrection éclate dans une société divisée en intérêts économiques divergents : la paysannerie, les notables ruraux, les marchands et hommes d'affaires des villes qui profitent du relatif dynamisme commercial de Gênes, le clergé lui-même partagé entre évêques gênois et prêtres des paroisses plus proches du peuple et qui apportent souvent leur soutien à la révolution. Les insurgés eux-mêmes sont divisés, en clans rivaux et en clivages régionaux, le Nord et le Sud, l'en-deça des monts et l'au-delà des monts.

Les choix politiques sont également à la mesure de la division des individus, partagés entre l'indépendance, la recherche de la protection d'un prince étranger et l'obtention de concessions auprès de Gênes.

Ces déchirements expliquent que les Corses n'aient pu finalement dans cette même période se débarrasser de l'occupant qui restera peu ou prou présent, au moins dans les ports fortifiés. Ce qu'on appelle la révolution corse, est en fait un temps troublé:

« De temps à autre, les belligérants reçurent des appuis étrangers.  Les Gênois, de l'empereur Charles VI (1731-1732), ensuite de la France, à partir de 1738, de manière intermittente, jusqu'à ce qu'ils eurent cédé leurs droits sur la Corse à Louis XV en 1768. Les insurgés bénéficient d'interventions de la part de l'Angleterre, de la Sardaigne et de l'Autriche lors de la guerre de la succession d'Autriche. » (Dorothy Carrington, ouvrage cité en fin d'article, p. 39).

Les insurgés avaient tenté de légiférer une première fois en 1735 : le pouvoir était confié à trois généraux (dont le père de Pascal Paoli), qui vont s'appuyer sur des assemblées populaires souvent réunies entre 1739 et 1750 au point qu'on a pu parler de forme de gouvernement parlementaire. Il faut attendre l'assassinat d'un des chefs de la révolte, Gaffori, pour qu'on voie enfin apparaître Pascal Paoli.

Qui est-il? C'est le fils de Hiacynthe, cité plus haut; celui-ci s'est réfugié avec son fils à Naples en 1739. Pascal Paoli y servira dans un régiment dont son père sera le colonel. Lorsqu'il est appelé par les insurgés pour succéder à Gaffori, il a trente ans. En juillet 1755, il est élu général. Il réunit en Novembre 1755 une assemblée qui va débattre de l'organisation politique future de la Corse; il rédige le rapport final; c'est ce rapport que l'on appellera la Constitution de 1755.

Qu'est-ce que cette constitution qui a été considérée comme la première constitution démocratique au monde? Quel est son contenu? c'est un document de 9 pages qui, plus qu'une constitution au sens contemporain du terme, apparaît comme un texte évolutif, définissant quelques principes de gouvernement, mais qui reste très bref. Paoli et sa constitution ont bénéficié au XVlIIème siècle d'une réputation extraordinaire, ils sont ensuite tombés quelque peu dans l'oubli, occultés par une constitution qui aura une plus grande aura, celle des Etats-Unis.

Cette constitution pose un principe nouveau : le droit des peuples, le peuple est la seule source légitime du pouvoir. La souveraineté populaire est affirmée dans les premières phrases du texte : « La diète générale du peuple de Corse, légitimement maître de lui-même...».

La liberté est considérée comme un droit naturel « ... ayant reconquis sa liberté... » La nation est entendue comme peuple souverain « ... voulant donner à son gouvernement une forme durable et permanente en la transformant en une Constitution propre à assurer la félicité de la nation. »

A la tête de l'Etat, le général de la nation qui s'appuie sur des assemblées.

Un conseil d'état de 142 membres élus, soumis à la rotation des fonctions, organisé en trois chambres, la première chargée des affaires politiques, la deuxième de la guerre, la troisième des affaires économiques. Il a un rôle exécutif.

Une diète générale, qui reçoit la reddition de comptes du général et des fonctionnaires. Ses membres sont élus au suffrage universel. Elle constitue le pouvoir législatif, c'est une assemblée indépendante où ne siège pas le général de la nation, Pascal Paoli. Elle édicte les lois, fixe l'impôt. Elle « possède un pouvoir de censure et de destitution à l'égard de n'importe quel membre de l'exécutif, Paoli y compris»

Un tribunal élu, trois juges et un chancelier. Son travail sera relayé dans les régions par un juge dans chacune de celles-ci. Les honoraires de ceux-ci sont précisés. Quant aux lois sur lesquelles ils s'appuient, elles sont très dures (afin d'en finir avec la vendetta, la « justice» familiale). C'est le pouvoir judiciaire.

La Constitution précise également, dans le cadre de la défense du pays, que les capitaines et lieutenants d'armes seront changés chaque année.

A la lecture de ce texte, on peut considérer comme certaine l'influence de Montesquieu, en particulier dans la séparation des pouvoirs, mais aussi dans les pouvoirs étendus que s'est réservés Paoli en tant que général de la Nation: en effet, « les Lumières », que Paoli a connues dans son séjour napolitain et par ses contacts maçonniques, ont été influencées par les théoriciens de la Cité dans l'Antiquité, Platon, Plutarque, les stoïciens, qui ont mis au cœur de leur pensée politique le thème du « roi philosophe ».

Mais, à côté de ces influences philosophiques, il y a une tradition propre à la Corse, d'élections dans les communes, même sous la domination gênoise.L'intermède royal lui-même de quelques mois avec Théodore de Neuhoff, couronné en avril 1736, est fondé sur l'élection autour du roi.

Ce texte est novateur. Il s'accompagne de pratiques positives liée aux Lumières: le droit de vote, entre autres, fondé sur l'âge exclusivement, et accorde à tous. quelle que soit la confession, ce qui permettait aux juifs de voter, mesure originale dans l'Europe de l'époque. L'enseignement est gratuit, une université est créée à Corte. Paoli a donc mis en place une remarquable structure étatique. Son œuvre a impressionné l'Europe de l'époque, comme en témoignent les marques de sympathie adressées par de nombreux chefs d'état comme l'électeur de Saxe ou Catherine de Russie.

Toutefois l'histoire ne se confond pas avec la géographie. A y regarder de plus près, le thème de la division des pouvoirs, dans la Constitution de 1755, présentée comme un modèle d'équilibre constitutionnel est mis à mal au sein du Conseil d'état, où se mêlent pouvoir exécutif et judiciaire.

La démocratie corse, mythique, connaît en fait des dérives où apparaissent manipulations électorales et mesures autoritaires, qui s'expliquent tant par les divisions évoquées plus haut que par la personnalité même de Paoli.

La figure de celui-ci paraît tout compte fait très contrastée: chef d'état démocrate adoré par la nation ou chef d'état aux tendances aristocratiques et despotiques? Il a, semble-t-il, bien essayé de faire régner l'égalité et la liberté, mais il ne pouvait gouverner ni avec les notables (hostiles aux réformistes) ni sans les notables (qui lui apportent moyens et clientèles), Paoli était conduit à subir le poids des traditions: le contexte local reste très fort.

Il n'empêche, l'Histoire, dans une parenthèse de 49 ans d'indépendance relative, a voulu en faire, à tort ou à raison, le père des constitutions démocratiques. L'aristocrate écossais James Boswell et J.1. Rousseau ne contribueront pas peu à cette réputation.

L'expérience politique d'une constitution corse, si imparfaite soit-elle avec ses luttes d'intérêts et ses incohérences ponctuelles, s'arrêtera le 9 mars 1769 avec la défaite de Ponte Novu, la Corse passant sous le contrôle de la monarchie française. Paoli s'embarquait pour l'Angleterre ... mais là commence une autre histoire.

 

  

 (2)

(Pasquale Paoli

La Constitution Corse de 1755

(Article transmis par Ghjuvà )

        La Constitution corse de 1755 fit de la Corse la première république démocratique moderne d'Europe.

        Basée sur la séparation des pouvoirs et le suffrage universel, elle fut en vigueur de 1755 à 1769 (bataille de Ponte Novu, défaite militaire face aux troupes françaises).

        La Constitution corse, écrite par Pasquale Paoli, inspira directement la constitution et l'indépendance américaine. Les révolutionnaires américains montaient à l'assaut au cri de "viva Paoli". Plusieurs villes américaines porte le nom de Paoli ou Corsica  en souvenir de la constitution novatrice de la petite nation corse.

La Constitution de 1755

La Diète Générale du peuple de Corse, légitimement maître de lui-même, convoquée par le Général selon les modalités établies dans la cité de Corti ces jours-ci du 16,17,18 novembre 1755.

Ayant reconquis sa liberté, voulant donner à son gouvernement une forme durable et permanente, en le transformant en une Constitution propre à assurer la félicité de la nation.

 La Diète a décrété, et décrète, l'établissement d'un Conseil d'Etat auquel elle a conféré, et confère, l'autorité suprême aussi bien dans le

 domaine politique que militaire et économique, désirant qu'il soit composé d'un Général qui en sera son chef directeur, et de trente-six présidents de la première classe, et cent-huit conseillers de la deuxième classe. Deux tiers d'entre eux seront de la Terra di Comune , et des provinces de Balagna, du Nebbiu et du Capu-Corsu y compris les cités de Bastia et de Calvi, et l'autre tiers sera des provinces de l'Au-delà-des-Monts.

 Ils seront répartis en trois chambres formant trois magistratures ; chacune aura douze présidents et trente-six conseillers et sera chargée d'une des parties essentielles du gouvernement. Ainsi celle qui sera chargée des affaires politiques s'appellera Chambre de Justice, celle qui se chargera des affaires militaires la Chambres de Guerre, et celle qui sera chargée des affaires économiques la Chambre des Finances.

  Attendu que la réunion constante de ces trois chambres n'entraînerait pas moins de dépenses que d'inconvénients à la nation, et de plus apporterait quelques lenteurs dans les affaires, cette réunion ne se fera que deux fois par an pour délibérer sur les affaires les plus importantes du gouvernement et pour représenter le Conseil d'Etat dans sa plénitude.

Le reste du temps, le Conseil sera représenté avec la même compétence et énergie par le Général, comme chef, ou par le président général, et par trois présidents seulement, un par conseiller à changer chaque mois, et un conseiller à changer tour à tour tous les dix jours dans les trois chambres respectives, et par le secrétaire d'Etat.

Les pétitions qui seront faites à ce Conseil seront adressées au Général qui, selon l'importance et l'appartenance des matières, les passera au président de la Chambre dont elles dépendront. Celui-ci, les ayant toutes étudiées, les présentera au Conseil, où une décision sera prise à leur sujet à la majorité des votes. Chaque président et conseiller disposera d'une voix, et le Général en aura deux.

Le premier a voter sera le conseiller. Après voteront les présidents, l'un après l'autre, et puis le Général. En cas de parité de vote, le secrétaire devra voter afin que le décret ou la décision soit prise à la majorité.

 Dans les affaires de la guerre, le vote du Général sera décisif. Il pourra aussi, de lui-même, indépendamment du Conseiller, ordonner des consultes, des marches, des congrès généraux et particuliers.

 Tous les membres du conseil resteront dans leurs fonctions leur vie durant et seront élus par le peuple dans la Diète.

 De la diète générale

On devra convoquer la Diète Générale une fois par an à l'endroit qui semble le plus opportun au Général. Dans ce lieu tout magistrat et fonctionnaire de la nation sera tenu de rendre compte de sa conduite. A cet effet le Général parlera le premier jour pour rendre compte de la sienne, et attendra avec soumission le jugement du peuple. Les autres magistrats et fonctionnaires seront soumis au sindicatu de quatre membres élus à la Diète en compagnie du Général.

Du tribunal et des juges des pieves

L'abondance des affaires d'Etat et les contingences de la guerre qui doivent constamment occuper le Conseil afin qu'il apporte un remède rapide à toute chose le nécessitant ne lui permettent pas d'attendre et de traiter les causes civiles. A cet effet un tribunal sera élu, composé de trois juges légistes et d'un chancelier éligible par le Conseil devant lequel seront portés toutes les causes dépassant la somme de cinquante livres. Ses sentences seront sans appel jusqu'à cent livres inclusivement, et celles qui dépassent cette somme seront appelable en second instance, et dernière instance au Conseil d'Etat.

Les causes qui ne dépasseront pas cinquante livres seront décidées par des juges éligibles à raison d'un par pieve ; leur jugement sera sans appel jusqu'à la somme de cent livres inclusivement , et à partir de cent livres exclusivement seront appelables en second instance, et en dernières instances au tribunal civil.

 Chaque juge devra choisir un notaire comme chancelier qui devra être approuvé par le Conseil d'Etat. Pour que les juges du tribunal civil et ceux des pieves aient de quoi vivre chez eux, il leur sera permis de prendre les honoraires qui sont dit, d'après le tarif suivant :

  - De 15 livres jusqu'à 25 livres inclusivement, 12 sous.

  - De 25 livres exclusivement et jusqu'à 50 inclusivement, 1 livre et 4 sous.

  - De 50 livres exclusivement et jusqu'à 100 livres inclusivement, 2 livres, 10 sous.

  - De 100 livres exclusivement jusqu'à n'importe quelle somme, 5 livres.

   

Des commissaires des pieves et capitaines et lieutenants d'armes de chaque pieves

La parité nécessaire pour assurer le respect des ordres ainsi que la discipline que nos armées devront observer dans les marches ou d'autres expéditions militaires rendent indispensable la nomination d'un commissaire par pieve, et d'un capitaine et lieutenant d'armes pour chaque paroisse.

De même que les meilleurs et les plus zélés patriotes des pieves devront être commissaires, et leur élection appartiendra au Général et au Conseil d'Etat, de même les capitaines et lieutenant d'armes devront être parmi les plus respectés de la paroisse et leur élection dépendra de l'arbitrage de la communauté, et sera valable quand elle aura reçu la confirmation du Général et du Conseil d'Etat.

 Au commissaire seront adressés les circulaires et autres ordres aussi bien au Général que du Conseil, dont ils veilleront à la prompte exécution. A cet effet il faut que le commissaire soit reconnu comme chef immédiat des troupes de la pieve à qui chaque capitaine de la pieve devra fournir la liste des gens aptes aux marches et celles des armes qui existent dans sa paroisse, de sorte que rassemblant le nombre d'hommes armés requis par le Général et par le Conseil d'Etat il puisse agir en conséquence et avec une telle exactitude que personne n'en soit importuné. Il gardera auprès de lui une copie de ces listes et adressera les originaux au Général, certifié par sa signature. Il sera cependant tenu, ainsi que les capitaines, de veiller à ce que ces détails soient consignés sur papier, et avec soin, étant donné qu'il doivent être enregistrés aux archives.

 Dans les marches il sera toujours en tête des gens de sa pieve pour exécuter les ordres et les dispositions de celui qui commandera la marche en chef, à qui il montrera le mémoire concernant les hommes requis, afin qu'il soit possible de poursuivre les absents avec les peines appropriés et imposées par le Général. Il fixera, dans les lieux où il devra aller, une localité où ils devront se joindre à lui, sous peine d'une amende de 20 sous pour chaque absent qu'on répartira entre ceux qui participeront à cette expédition.

Encourront la même peine ceux qui pendant les marches, sans la permission nécessaire, s'éloigneront de leur commissaire à une telle distance qu'ils ne seront plus à portée pour exécuter ses ordres.

 Instructions particulières seront données aux capitaines d'armes, et en leur absence, aux lieutenants, d'exécuter les ordres de la marche et autres qui seront donnés par le gouvernement, dont un exemplaire sera envoyé au Commissaire. Au cas où des rixes ou d'autres maux se produiront, ils devront accourir immédiatement avec la force armée pour arrêter les fauteurs et les coupables, et pour faire l'inventaire de leurs meubles et de leurs biens par actes notariés. Il informera le commissaire promptement de tout, afin que celui-ci, ayant mis le gouvernement au courant, puisse s'y rendre incessamment pour exécuter ce qui lui sera prescrit, sous peine, pour l'un comme l'autre, d'être privé d'office et de payer en propre l'équivalent de la somme qui serait dilapidée à cause de leur négligence, et d'être soumis aux mêmes peines que le coupable au cas où celui-ci, par leur incurie, ne serait pas arrêté. Le commissaire exercera son emploi à la discrétion du Général et du Conseil. Les capitaines et les lieutenants d'armes devront être changés chaque année.

  Des podestats, pères du commun et estimateurs

L'élection de podestats et des pères du commun et des estimateurs de chaque paroisse se fera chaque année selon la disposition du Statut de Corse, au chapitre 8, et chaque podestat devra tenir le gouvernement informé sans délai de tout ce qui se passe chez son peuple, afin que, autant par son rapport que par celui transmis par le capitaine d'armes par l'intermédiaire du commissaire, le gouvernement puisse plus exactement veiller au bon ordre pour que les lois soient respectées.

Lois pénales

Celui qui commettra des homicides volontaires, ou blessera gravement avec n'importe quelle arme, sera coupable d'avoir donné la mort, et en tant que tel, s'il tombe aux mains de la justice, sera passé par les armes comme ennemi de la société. Il ne jouira pas de ses biens, et en conséquence ne pourra plus disposer d'aucune chose qui appartenait. Sa propriété sera détruite dans la mesure du possible. Tous ses biens mobiliers passent au pouvoir du fisc qui, s'il le juge à propos et convenable pour l'Etat, pourra en certains cas particuliers arrêter la destruction de sa propriété, en l'adjugeant, avec les biens mobiliers, à perpétuité à la chambre des finances.

 Celui qui tuera, ou par n'importe quelle action particulière tentera de tuer son ennemi à la suite d'offenses antérieures après l'établissement de la paix, non seulement sera déclaré coupable d'homicide volontaire, mais sur le site de sa maison, qui devra être irrémédiablement détruite, on érigera une colonne d'infamie sur laquelle seront indiqués le nom du coupable et son crime.

 Celui qui, avec préméditation, en dehors des deux cas précités de vengeance transversale ou de rupture de paix, blessera légèrement en tirant des coups d'arquebuse ou avec n'importe quelle arme, sera condamné, s'il comparait, de trois à six mois de prison, à la discrétion du Conseil, et compte tenu du genre de délit, et sera obligé de payer 20 sous pour la garde [de la prison]. S'il ne comparaît pas, et se montre désobéissant, il sera condamné selon la prescription du statut de Corse.

 Celui qui en dehors des cas précités, tirera avec préméditation un coup d'arquebuse dans le but de tuer, mais sans faire de mal, ou avec d'autres armes fera des menaces de mort, au lieu de tuer, sera condamné à deux ans ou quatre mois de prison, et au paiement de 20 sous par jour pour la garde, compte tenu du genre de délit, et à la discrétion du Conseil.

 S'il est contumace sa famille sera emprisonnée, et à défaut de sa famille son plus proche parent, jusqu'à ce que lui, le coupable, ne tombe au pouvoir de la justice.

 Celui qui blessera légèrement dans une rixe sera condamné d'un à deux mois de prison, et à payer 20 sous par jour pour la garde, à la discrétion du Conseil, et s'il est contumace, sa famille sera emprisonnée, ou s'il n'a pas de famille, son plus proche parent jusqu'a ce que, lui le coupable trouvé.

Celui également qui dans une rixe frappera quelqu'un avec une pierre ou bâton, ou seulement portera atteinte avec n'importe quelle arme, sera condamné de 15 à 20 sous par jour pour la garde, à la discrétion du Conseil et s'il est contumace, tombant ensuite au pouvoir de la justice il sera condamné au double.

De ceux qui feront justice eux mêmes

Celui qui emploiera la force pour prendre quelque objet à celui qui ne l'aurait pas volé, mais le possèderait comme lui appartenant en propre, et de bonne foi, et le prendrait par force sous prétexte qu'il fût sien, même si cet objet lui appartenait vraiment, qu'il se trouve privé de toute justification qu'il pourrait avoir, et de plus qu'il soit condamné à payer de 25 à 50 livres, ou ne pouvant payer, qu'il soit condamné à trois mois de prison.

Mais si la force avait été exercée contre quelqu'un , pour prendre quelque objet mobilier sous prétexte qu'il était sien, et bien qu'il n'eût aucune justification, outre la restitution de la chose prise au propriétaire, avec les dommages et intérêts que celui-ci aurait subis qu'il soit condamné à payer de 100 à 200 livres, et ne payant pas, ou ne pouvant payer, à la prison de 3 à 6 mois.

 Si ensuite, il arrivait que ces biens pris par force aient été saisis sans que l'intrus puisse avoir aucune justification ou prétexte, qu'il soit condamné aux peines prescrites dans les statuts criminels.

Si ,ensuite, la force était employée afin que quelqu'un, de sa propre autorité et sans mandat légitime du juge, entrât de force en possession de n'importe quel biens immobiliers que d'autres possèdent en toute bonne foi, même s'il était prouvé que la force fût légitime, l'intrus doit être contraint à ne pas entrer en possession des dits biens, et à la restitution des fruits qu'il aurait pris, et de plus il doit être condamné de 100 à 200 livres, et de trois à cinq mois de prison, compte tenu de la condition de la personne et de la qualité des propriétés occupés par force.

  Au sujet de tous les délits dont, par souci de brièveté, on n'a pas fait mention dans les présents décrets, qu'on respecte les statuts civils de notre royaume, compte tenu cependant...

 Si quelqu'un enlevait quelque jeune fille, la transportant contre sa propre volonté ou celle de ses parents d'un endroit à un autre dans le but de la violer, qu'il encoure la peine de mort, et celui qui s'en prendrait à quelque femme sur la voie publique sous prétexte de l'épouser, qu'il encoure la peine de prison pendant un an, et de plus le paiement de 20 sous par jour pendant cette année pour la garde, et s'il ne se présente pas à l'appel du gouvernement, qu'il soit exilé du royaume pendant trois ans.

Dispositions pour les provinces de Balagna et du Nebbiu

Pour dédommager les populations des inconvénients qu'ils auraient à subir, vu l'éloignement, dans leurs recours au Suprême Conseil d'Etat, chacune de ces provinces sera gouvernée par une magistrature provinciales dépendant du Suprême Conseil, et qui devra être composée d'un président, renouvelable chaque mois, et de quatre conseillers qui devront exercer pendant quinze jours et puis seront changés, et d'un chancelier qui devra être approuvé par le Suprême Conseil sus-indiqué.

 Ces magistrats devront avoir la faculté non seulement de traduire en justice, aussi de condamner, et exécuter leurs sentences dans les affaires criminelles mineures pour lesquelles on ne peut imposer la peine de mort ou l'exil du royaume, avec l'obligation, cependant, d'aviser chaque mois le Suprême Conseil d'Etat de ces causes.

 Mais pour les crimes entraînant la peine capitale ou l'exil, il faut qu'ils puissent seulement instruire jusqu'à la sentence, sans l'appliquer, et qu'ils soient tenus de la communiquer au Suprême Conseil avec leur avis délibératif, et d'attendre la sentence et l'ordre pour son exécution.

 Les causes civiles dans les provinces sus-indiquées doivent être examinées et tranchées par un juge général qui aura la faculté de rendre justice jusqu'à 400 livres.

 Si l'affaire était seulement de 25 livres, qu'elle soit sans appel. Dans les affaires de 25 à 30 livres, qu'il y ait le remède de recourir aux susdits et respectifs magistrats, et de 50 à 400 livres, qu'il soit permis de faire appel au tribunal civil.

 On doit payer des honoraire au susdit juge selon le tarif mentionné plus haut, qui doivent s'ajouter aux bénéfices dus au chancelier : qu'on divise le tout par moitié. Le susdit juge devra résider dans le même lieu que la magistrature.

Les bandits

Les coupables d'homicides ou d'autres délits commis avant le 15 du mois de juillet dernier, seront graciés si la paix a été obtenue de la partie offensée, pourvu que soit produit devant le Général et le Suprême Conseil l'instrument de paix par acte notarié, ou joint aux attestations des curés, podestats et pères du commun des lieux respectifs, à condition, toutefois, que chacun des bandits susdits ait d'abord payer 25 livres, destinées à la Chambre [de justice], et 25 livres pour les actes du chancelier.

 Pour ceux ensuite qui auraient commis un délit après le dit jour du 15 juillet, et après l'élection du nouveau Général, il laissé à la discrétion de ce même Général dans certains cas la possibilité de donner absolution aux coupables par actes de grâce, avec peine pécuniaire qu'il estimera le mieux convenir pourvu qu'elle ne devienne pas exemplaire.

Signé : Pasquale Paoli

 

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Royaume anglo-corse 1794-1796

A presque 70 ans, Pasquale Paoli devient un hors-la-loi, tout comme Carlo Andrea Pozzo di Borgo, lorsque la Convention ordonne son arrestation le 2 avril 1793. Le 26 mai de la même année, il est élu général à Corte et reçoit le titre de Babbu di a Patria (Père de la Patrie). Il a alors le soutien de plusieurs centaines de députés. Cette cunsulta est dénoncée par la Convention nationale de Paris. On espère alors une aide anglaise. C’est dans ces circonstances troublées que Paoli apprend le décès de son frère au couvent de Morosaglia, Clemente, à l’âge de 82 ans. A ce moment là, des navires britanniques assiègent Calvi. Bastia se rend le 30 mai 1794.

En juin de la même année, à Corte, une nouvelle cunsulta place la Corse sous la protection de la Grande-Bretagne, et ce au détriment de la France.

Certes, le roi de Grande-Bretagne aime la Corse. Mais pas Paoli. Le 21 juin 1794, sir Elliot porte la parole de George III à Corte et accepte l’acte d’union entre la Corse et la Grande-Bretagne. A la fin du mois de juillet, sir Elliot et Pasquale Paoli ont une discussion au couvent d’Orezza. Elliot, nommé vice-roi, espère de la Corse qu’elle soit soumise, ce que Paoli refuse catégoriquement. Le Babbu rumine. Le titre de vice-roi aurait dû lui revenir de droit. Ses critiques incessantes agacent sir Elliot qui réclame son départ de l’île. Pour Paoli, un troisième et dernier exil commence. Il quitte définitivement sa terre natale le 14 octobre 1795, à bord du Dolphin, à Saint-Florent. Il est accompagné par des compagnons tels que Panattieri, Galeazi et Ciavaldini.

Le royaume anglo-corse ne dure que deux ans. Exerçant une autorité tyrannique sur les populations, les Anglais ont les pires difficultés à maîtriser la situation. Ces derniers commencent à évacuer l’île le 15 octobre 1796. Deux mois plus part, Napoléon Bonaparte œuvre pour le rétablissement de la « légalité républicaine », avec l’aide de Saliceti et de son frère Joseph Bonaparte.

Pour Paoli, une autre vie commence. Dans l’année 1798, le Babbu, vieux et fatigué, s’installe au 21 Edgeware Road, à Londres. Ce dernier prend sans doute connaissance de la révolte de Crocetta, la dernière insurrection corse. A-t-il joué un rôle dans ce soulèvement ? Rien n’est sûr. Sa santé lui joue alors des tours, il se plaint de toux et de rhume persistant. Le 3 avril 1804, il rédige son testament.

Le Babbu di a Patria s’éteint le 5 février 1807, à son domicile d’Edgeware Road, à Londres. Sa dépouille est ensuite ramenée en Corse, dans son village natal de Morosaglia, le 6 septembre 1889. Plus tard, la demeure familiale est transformée en chapelle funéraire et en musée (musée Pasquale Paoli de Morosaglia).

Corsicathèque