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Le cléricalisme voilà l’ennemi
Écrit par Duterroir
Le cléricalisme voilà l’ennemi
Le cléricalisme voilà l’ennemi proclamait Gambetta après que Voltaire ait parlé de l’Infâme. On aurait tort de croire que tous les adversaires du cléricalisme sont athées, le vrai laïc, même croyant, est de ce combat aussi. Fidèle à l’esprit de la loi de séparation du 9.12.1905 et à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, il ne se préoccupe guère des croyances d’autrui pour autant qu’elles ne s’immiscent pas dans sa propre vie au travers d’incursions dans la Politique de son Pays.
Notons qu’en matière de croyances l’offre est vaste et le laïc ne se sent pas particulièrement enclin à en débattre les infinies subtilités, indifférent et distant, il laisse à chacun le soin d’adhérer ou non.
Survolons rapidement et de façon non exhaustive les croyances.Les déistes, dont Voltaire et Robespierre sont de bons exemples, croient, confusément ou non, en un Être suprême « Grand Horloger », mais qui se soucie assez peu du sort de sa création. Chef d’orchestre sans baguette occupé principalement à contempler éternellement son divin nombril, il n’intervient en rien et sur rien.
Le polythéisme gréco-romain nous décrit une « religion » à la carte : un dieu pour chaque problème et dans l’Olympe un petit peuple divin doté de tous les travers humains – jalousie, concupiscence, colère, duplicité etc., seulement avantagé par l’immortalité et une forme de toute-puissance sérieusement tempérée par la « réaction » car on ne se fait pas de cadeau là-haut où règne la compétition. Les prêtres sont très spécialisés et ils ne s’occupent en général que d’une divinité à la fois.
Cette présentation, somme toute aimable, ne doit pas nous faire oublier qu’il s’est trouvé quelques crétins à front de bœuf pour condamner Socrate à boire la cigüe pour impiété et corruption de la jeunesse.
Les trois monothéismes diffèrent radicalement car ils introduisent les systèmes clos à médiateurs ou à clergé si l’on préfère. En effet, tous apportent en théorie une réponse à chaque question, dictée par Dieu Lui-même, et ambitionnent de régler la vie des croyants jusque dans leurs lits, jusque dans leurs assiettes. En gros, ça se présente comme une Bulle préservée peuplée d’Elus de Dieu heureusement assistés de médiateurs seuls habilités à dialoguer avec Lui : Souverain Pontife, Pape infaillible, pasteurs et rabbins fréquentant Dieu, imams et ayatollahs en prise directe avec le Prophète ; Bulle préservée donc au sein de laquelle s’épanouit le Bien quand règne le Mal au-dehors. La charité chrétienne s’arrête aux chrétiens et la bonté « naturelle » du musulman à l’Oumma. Mort donc aux infidèles et aux hérétiques. Massacres, inquisition, croisades etc., c’est écrit sur ce site et excellemment, je n’en ajoute pas.
Il existe aussi des religions laïques. Plus ou moins fondées sur le paganisme millénariste comme le nazisme, ou sur des utopies dévoyées par les hommes qui les mettent en œuvre et par la dure réalité des choses, ainsi sont le stalinisme et le maoïsme. On y retrouve la Bulle, le Bien, le Mal et les deux outils principaux de la domination de l’homme sur l’homme : l’endoctrinement et l’épuration. La chasse aux sorcières, sa police et ses emprisonnements, et le bourrage de crâne, la parole du chef et son décervelage.
Le cléricalisme est politique, c’est la résultante de la montée en puissance et de la volonté d’organisation de ceux qui veillent à ce que le peuple, préalablement endoctriné ou en cours de l’être, pense selon leurs critères, leur idéologie, leurs schémas et surtout n’en dévie pas. Papes, imams, rabbins, premiers secrétaires, chanceliers brun, tous suscitent et entretiennent des réseaux bien bordés qui œuvrent à maintenir l’orthodoxie du Crédo officiel au besoin par la coercition. En somme, il est interdit de penser par soi-même, la science, par exemple, est l’ennemie désignée car son champ est la Raison et le Doute, ou alors elle doit se contorsionner pour rentrer dans les saints paradigmes, dans les saintes écritures, car enfin la Terre est plate et Dieu est Dieu, nom de Dieu ! Malheur à ceux qui sortent du moule, ils seront brûlés comme Bruno et Servet, obligés de se rétracter comme Galilée, pourchassés comme Averroes, sous la menace d’une fatwa, ce permis de tuer, comme Rushdie et Redecker.
Arrivé à ses fins ce petit peuple de vauriens s’installe alors dans le confort, l’argent et les ors, le pouvoir voire la corruption et le libertinage. Regardez l’Eglise. Il y eu l’Edit de Milan en 313 signé par Constantin 1er, le convertit, qui mettait un terme aux persécutions des Chrétiens, puis en 324 les mesures contre le paganisme et enfin, last but not least, le Concile de Nicée présidé par le même Constantin. « Un roi, une loi, une foi ». Quel chemin en douze ans ! On connaît la suite.
Ce qui précède montre assez clairement que les clercs cherchent toujours à influencer la politique et l’organisation de la société et pour cela, ils peuvent aller jusqu’à s’emparer des leviers de commande et fonder des théocraties. Ils ont constamment la prétention exorbitante d’avoir le monopole de la morale. Une ânerie labellisée par le Vatican ou un imam d’importance (il en est de pitoyables) semble être, grâce à un marketing approprié, pour le croyant de base un article de première nécessité à enfoncer, au besoin à coup de bâton, dans le crâne du mécréant d’à côté. N’en rions pas car les sociétés modernes qui s’étaient plutôt bien « désenchantées » et laïcisées recommencent à rêver d’un « ré-enchantement du monde » et déroulent les discours sur les spiritualités et les « forces de l’esprit », une vraie régression, deux siècles d’Humanisme peut-être passés par pertes et profits par des gens sans foi ni loi qui ne croient bien souvent même pas à ce qu’ils prêchent.
Pour ma part, je ne redoute pas l’installation d’une théocratie ni en France ni en Europe, mais en revanche je crains l’insidieuse montée en puissance du christianisme revanchard ; le développement militant, foulard au vent, d’un certain Islam sectaire, borné et violent ; le goût contemporain enfin pour toutes ces sectes qui avancent munies de faux-nez thérapeutiques ou philosophiques, embrouillant les cerveaux, pervertissant et décervelant les illuminés et les crédules et qui font sur leurs dos des fortunes. Notez que la récolte de biens de tous ordres est la marque universelle et commune à tous ces parasites professionnels.
L’Infâme, cette peste jamais éradiquée et toujours renaissante doit donc être combattue vigoureusement, ici et maintenant. C’est à ce combat je crois que la République nous invite. Notre responsabilité, c’est la vigilance sans faille et la réactivité sans concession.
DUTERROIR
17.01.07