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Où va le Grand Orient de France ?
Écrit par H.Sodak
L’assourdissant concert de casseroles ambiant conditionne l’opinion publique à prendre le faux pour du vrai. Et inversement. Aussi, tout point de repère est-il le bienvenu. Même, et surtout, marginal au fracas du forum. Ce qui est le cas du Grand Orient de France.
Le Grand Orient de France est un ordre maçonnique initiatique et symbolique. Son objectif est l’amélioration humaniste de la Cité Universelle par la Raison et la progressive ascension culturelle de ses affiliés.
Sa « Vérité » ? C’est de refuser toute « Vérité Révélée » ; sa « Lumière ? Le doute métaphasique ; sa « référence politique » ? Le pacte républicain « d’égalité en droits » ; son « credo » ? La liberté absolue de conscience.
Aussi est-il utile d’en écouter le Président de son Conseil de l’Ordre, Monsieur Philippe Foussier.
Ainsi, lors du Congrès annuel du GODF d’août 2017, en a t’il présenté la feuille de route.
Extraits
° Connaissance et croyance
ll s'agira de continuer à éclairer les questions relatives aux sciences et aux enjeux éthiques qui y sont liés.
La confusion croissante entre croyance et connaissance, la contestation du progrès favorisée par le retour des idéologies obscurantistes et millénaristes qui suscitent ou instrumentalisent les peurs et l'ignorance, l'amplification de l'offensive créationniste menaçant des siècles d'avancées scientifiques, la propension de la foi à venir concurrencer le savoir, la remise en cause du primat de Ia raison sont autant d'exemples qui démontrent I ‘utilité du combat maçonnique pour endiguer des phénomènes croissants comme le complotisme, la « post-vérité » et autres manipulations qui visent à substituer Ie dogmatisme à la rationalité.
Le regain des invocations à un ordre naturel perdu, fût-il mythique, comme à I ‘ordre divin doit également nous alerter sur les dangers qui menacent l'humanisme dont nous nous réclamons.
En février dernier, les députés adoptaient à l'unanimité une résolution sur « les sciences et le progrès dans la République », relevant que « les discours partisans voire sectaires fondés sur une défiance croissante vis-à-vis de l'expertise scientifique constituent une grave remise en cause de cet esprit des Lumières en s'attaquant aux règles mêmes sur lesquelles repose l'institutionnalisation de toute science " et observant que « la confusion entre les connaissances et les opinions constitue une sérieuse menace pour le bon fonctionnement de notre démocratie en alimentant les processus sectaires et diverses formes de radicalisation ".
Plus que d'autres, les Francs-maçons ne peuvent rester à l'écart de tels enjeux.
° La question des réfugiés
L'accueil et l'intégration des réfugiés est un défi pour I'Europe et un défi pour notre pays et, là aussi, ce sont les valeurs que nous portons depuis toujours qui doivent servir de guide à notre réflexion.
Nous ne sommes pas les ravis de la crèche, nous savons quels sont les problèmes que cet accueil et cette intégration posent. Pour autant, nous n'avons pas peur d'affronter les questions difficiles, dérangeantes, nous ne sommes pas dans le déni de la réalité qui, d'ailleurs, constitue toujours un carburant pour l'extrême droite.
Si nous voulons réussir l'intégration de populations qui fuient la guerre, Ie fanatisme et la misère, et qui entendent s'installer durablement dans notre pays, nous savons qu'il ne faut pas procéder comme nous l'avons fait avec de précédentes vagues d'immigration.
Nos responsables publics nous ont fait croire que, depuis les années 60 et 70, nous pratiquions l'intégration alors que par des mesures de répartition géographique et urbaine, nous ne faisons en réalité qu'organiser le repli ethnique et religieux, incompatible avec une véritable intégration. Nous reproduisions, sans nous l'avouer, ce que le modèle anglo-saxon représente de pire : le développement séparé, les ghettos sociaux, ethniques, identitaires, qui engendrent inévitablement le communautarisme et les replis, les défiances et les intolérances.
Nous en payons aujourd'hui très cher le prix. Et donc, à l'égard de ces nouvelles vagues d'immigration, notre devoir est d'abord de ne pas reproduire les mêmes erreurs, voire les mêmes fautes.
Cette réflexion commune ne part pas de rien, beaucoup de travaux ont déjà été accumulés, beaucoup a été fait, je suis sûr que nos valeurs sauront là aussi rayonner dans toute leur intensité.
° Le chantier de la laïcité
Il est aussi un chantier qui ne peut pas s’interrompre, c’est celui de la laïcité, là-dessus, point de grands discours, d'envolées Iyriques ou d'incantations.
Pendant des décennies, nous avons été avec quelques autres d'inlassables militants du combat laïque. Nos dirigeants, nos élites, médiatiques et intellectuelles, ne voulaient pas en entendre parler.
Le résultat est là. Nous avons laissé prospérer les revendications religieuses dans notre société à un point que nous n'avions sans doute pas connu depuis un siècle.
Les questions religieuses envahissent tout, polluent les débats, et nous montrent à quel point le rappel de cette règle d'organisation politique et juridique qu'est la laïcité est plus que jamais indispensable pour contenir des prétentions cléricales sans limites.
Et le pire, c'est que la plupart du temps, ce qui s'exprime, ce n'est pas une lecture et une pratique tranquilles, apaisées, des religions, c'est leur versant intégriste, fondamentaliste, c'est le retour des obscurantismes les plus moyenâgeux, qui visent toujours et d'abord Ies femmes dont il faut dissimuler et maitriser les corps et asservir les âmes.
Mais nous sommes mieux placés que quiconque pour le savoir: cette laïcité que nous avons défendu seuls pendant des décennies a été récupérée, dévoyée, instrumentalisée, contournée, interprétée, piétinée. Si nous ne devions avoir qu'une action en Ia matière, elle est d'aider nos compatriotes à sortir des confusions qui l'entourent.
Elles sont de deux ordres, il y a d'une part l'extrême droite. Nous sommes pour notre part avertis que ce courant a réalisé un véritable hold-up sur la laïcité alors que ce qu'il défend c'est une conception qui vise à dénigrer une religion et des croyants et à promouvoir une France chrétienne, blanche et en vérité à l'opposé de toute conception laïque. ll n'est qu'à comptabiliser ses responsables qui installent dans leurs mairies des crèches de la Nativité pour exalter les seules racines chrétiennes de notre pays. Continuons inlassablement à dénoncer ces usurpateurs. Nous le savons, ils détestent la laïcité et ce qu'elle représente en termes d'égalité des droits, de liberté de conscience et de promesse d'émancipation et de fraternité.
ll y a d'autre part tous ces courants qui ne rêvent que d'accoler un adjectif à la laïcité : à droite, on la veut positive, à gauche on la veut plurielle ou apaisée.
En réalité, ce que tous ceux-là cherchent à nous vendre, c'est un modèle qui organise la coexistence des religions, « l'interconvictionnel », un modèle qui permet la juxtaposition des croyances dans une plus ou moins bonne harmonie tandis que les non croyants sont ravalés au rang de citoyens de seconde zone.
Etre croyant selon ces conceptions, qui sont en fait de nature et d'esprit concordataires, c'est finalement être privilégié. En effet, il faut toujours écouter les croyants plus que les autres, il faut toujours inviter leurs représentants plus ou moins représentatifs d'ailleurs, il faut déléguer la gestion des groupes humains à des « communautés » religieuses.
Et d'ailleurs, ces faux amis de la laïcité utilisent sans cesse le terme de « communauté », trahissant leur volonté de toujours assigner les hommes et les femmes à résidence identitaire, religieuse ou ethnique.
Faisons cesser ces discours, redisons simplement ce qu'elle est, dénonçons ces vrais ennemis et ces faux amis de la lalcité, qui utilisent même parfois le terme de « laïcard » pour nous désigner. Un terme inventé et popularisé par Maurras, faut-il le rappeler ? Parallèlement, et là aussi, nous avons avant tout à exercer un travail de clarification, il nous faut réinterroger la question de l'antiracisme.
Celui-ci a été tellement dévoyé qu'il devient parfois même un instrument pour certaines associations pour organiser de nouvelles formes de racisme. C'est un chantier à travailler, tant il est vrai que nous avions l'habitude de voir l'extrême droite en pointe sur cette question du racisme et qu'hélas, on voit désormais des mouvances se réclamant de la gauche ou de l'extrême gauche y apporter leur concours.
° Faire prévaloir un monde de raison, de progrès, d’émancipation, de justice sociale, de liberté de conscience et de fraternité.
Dans un monde caractérisé par le chaos, par la résurgence des idéologies de haine de l'autre, des fanatismes religieux qui n'hésitent pas à tuer pour asséner leur vérité, le rôle des Francs-Maçons est plus que jamais d'actualité.
Nous avons à faire prévaloir un monde de raison, de progrès, d'émancipation, de justice sociale, de liberté de conscience et de fraternité. Si, depuis l'instauration de la République, après les grandes conquêtes républicaines, laïques, démocratiques et sociales des IIIe et IVe du nom, la Franc- Maçonnerie a parfois donné le sentiment d'un relatif assoupissement, I'heure est plus que jamais au réveil, à la reprise du combat. Car ce que nous pensions édifié pour des siècles connaît depuis quelque temps, dans notre pays même, un effritement préoccupant.
C'est le socle de l'humanisme universaliste que nous avons hérité du siècle des Lumières qui est en péril aujourd'hui, menacé par la combinaison convergente des idéologies qui prônent I'exclusion et qui veulent en réalité revenir à une société d'ordres qui prédestinait toute leur vie les individus à raison de leur naissance.
Depuis Ie 7 janvier 2015, on tend à l'oublier, ce sont près de 250 personnes qui ont été tuées au nom de Dieu dans notre propre pays. Nous n'avions pas connu de massacres de masse au nom de la religion sur notre territoire depuis la Saint-Barthélemy ni de massacres de masse de civils depuis Oradour-sur-Glane.
Le récent massacre perpétré en Espagne nous rappelle que ces tueries de civils, ces nouveaux Guernica, n'appartiennent pas qu'au passé ni qu'à notre pays ni même à l'Europe. Nous sommes bien placés, nous Francs-Maçons, du fait de notre histoire, pour mesurer l'importance de ce basculement dans un ordre qui est celui de Ia barbarie, de l'intolérance, de la haine.
C'est I'édifice même des grands principes qui ont fondé notre humanisme qui vacille sous les coups portés par le fanatisme et aussi par une extrême droite dont nous constatons aujourd'hui la progression éloquente. 10,6 millions de suffrages se sont portés sur sa représentante lors du second tour de I'élection présidentielle.
Si les médias l'ont oublié, ces électeurs n'ont pas disparu : nombre d'entre eux ont exprimé une réelle conviction, d'autres, certainement plus nombreux, ont manifesté ainsi leur désespérance, l'idée qu'ils n'avaient plus rien à perdre en portant au pouvoir un candidat d'extrême droite.
A ceux-ci nous devons parler, nous ne devons pas imaginer que parce que les projecteurs médiatiques sont éteints ils seraient comme effacés de la réalité. Ne serait-ce que parce que la réalité, elle, nous rattrape toujours. Nous prendrons des initiatives sur ce sujet.
° L’universalisme
Pour illustrer ce qui relie ces chantiers, ces constats, ces projets, le leitmotiv que je n'aurai de cesse de marteler sera celui du nécessaire combat pour l'universalisme. Nous avons, en cette année de célébration du tricentenaire de la Franc-maçonnerie moderne, l'ambition d'être d'abord le conservatoire du progrès que nous avons hérité du siècle des Lumières et qui contient ces principes intemporels d'humanisme et d'universalisme.
Nous avons en effet le devoir de le conserver pour le transmettre. D'autant que, de toute part, ses adversaires relèvent la tête. lls sont au choix: les différentialistes, Ies ethnicistes, les racialistes, les tenants du relativisme culturel. lls essentialisent sans cesse, ils pratiquent l'assignation identitaire permanente et d'ailleurs l'« identité » est leur mot fétiche. lls veulent nous prendre en étau dans leur tenaille identitaire.
ll y a bien sûr parmi eux l'extrême droite, qui a toujours récusé l'universalisme, car pour elle il y a des races, des ethnies, des couleurs de peau quijustifient une irréductible différence entre les êtres humains à raison de leur naissance. C'est à partir de ces thèses, notamment, que dans les années 1940, en France, il y avait des wagons de métro et des squares réservés aux Juifs, qu'il y avait aux États-Unis d'Amérique ou en Afrique du Sud, dans les années 1960 et au-delà, des autobus et des toilettes publiques interdits aux Noirs.
C'est cette même idéologie, désormais revendiquée par des fractions de la gauche et de I'extrême gauche, qui vient justifier en France aujourd'hui la multiplication des « camps décoloniaux racisés » et autres colloques interdits aux Blancs organisés dans des universités publiques ou des salles municipales avec la caution d'universitaires, d'intellectuels et même de quelques médias. C'est en France, aujourd'hui.
Qu'ils soient de droite ou de gauche nous importe peu, leur racialisme, leur racisme nous révulse autant. lls sont tous les ennemis de la République universelle que nous nous efforçons de bâtir depuis trois siècles. Ils appellent la mobilisation énergique de ce que nous sommes ardemment: des républicains universalistes qui continueront sans relâche à abattre les murs entre les êtres humains comme nos ancêtres Francs-Maçons le faisaient déjà au siècle des Lumières.
C'est la tâche urgente, prioritaire, centrale, positive, à laquelle nous devons nous consacrer: faire vivre ou revivre l'universalisme. Elle a de surcroît le mérite de pouvoir rassembler tous les francs-maçons du Grand Orient de France et même bien au-delà, quels que soient leurs sensibilités, leurs options partisanes ou leurs rites.
L'universalisme constitue le socle de notre culture humaniste commune, celle qui a été codifiée dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948. Si nous ne gagnons pas cette guerre des idées - dont les implications pratiques s'étalent sous nos yeux - alors nous risquons de nouveau d'être ensevelis sous l'ordre barbare. ll ne faudrait pas que les Francs-Maçons n'aient pas tout entrepris pour I'éviter.
C'est notre responsabilité collective, elle rejoint non seulement notre utopie à long terme mais elle s'incarne tous les jours devant nous, autour de nous.
Dans cette société déprimée où la politique semble régie par les lois de la communication, où I'on s'adresse au citoyen comme à un consommateur, sur laquelle pèsent une chape de confusion, de résignation, un curieux sentiment d'impuissance, les francs-maçons du Grand Orient de France, qui ont fait Ie pari des Hommes, ont I'optimisme rivé à leurs neurones.
ll n'y a parmi eux ni fatalistes, ni déclinistes, ni défaitistes, ni Munichois de la pensée ou de I'action. Comme ils I'ont fait aux heures où le pays doutait sur son destin, de Ia Révolution française à la Résistance, ils sauront trouver en eux, individuellement et collectivement, I'intelligence et I'audace dont la République a cruellement besoin.
Parce qu'ils savent que I'acacia refleurira.
Philippe Foussier : Président du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France
Observations :
Ils œuvraient dans le cadre de la Société des Nations. Laquelle ne put éviter que la seconde guerre mondiale éclate. Faute de disposer des moyens de coercition nécessaires pour imposer la paix aux impérialismes et obliger les démocraties à prendre leurs responsabilités.
Cet échec fait leçon. C’est ce que la Table Ronde de Thoiry du 17 septembre 2016 retiendra en termes de pistes pour que l’humanité déclare une fois pour toute la guerre à la guerre. (Ainsi que le pacte Briand-Kellog de 1929 – signé par 57 pays ! – l’avait proclamé).
Encore faut-il que la paix universelle soit le fruit d’une volonté universelle de s’attaquer aux sources culturelles de conflits. Par l’intermédiaire d’organisations internationales édictant la loi et disposant des moyens pour qu’elle s’applique.
Ainsi en va-t-il :
° Du droit à la paix religieuse : par sanctuarisation du concept de liberté absolue de conscience dans la norme internationale des droits de l’homme et du citoyen (ONU) ;
° Du droit à la paix sociale : par l’adoption d’un code du travail universel imposant le facteur humain comme socle des rapports capital-travail (OIT).
Du droit à la paix civile : par la désaliénation des masses par leur accès à l’instruction et la culture (UNESCO). Socle de l’émergence d’une citoyenneté universelle fondée sur la Raison critique (UNESCO).
On trouvera ci-dessous la contribution introductive au débat de notre ami Bernard Buet
- • Ne pourrait-on pas ? Etre plus humble vis à vis des laissés-pour-compte par la culture occidentale ? Vis à vis de toutes les sociétés traditionnelles et ancestrales du monde.
- • Ne pourrait-on pas ? Promouvoir un monde multiculturel ? Faisant émerger les valeurs communes des civilisations et non leurs différences.
- • Ne pourrait-on pas ? Réconcilier industrialisation et humanité ?