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l'Islamo gauchisme est en fait de l'islamo-décolonialisme
Écrit par Pierre-André Taguieff
Le sens du terme s’est transformé avec l’évolution de l’extrême gauche, qui, à partir du milieu des années 2000, a basculé progressivement dans le décolonialisme et un pseudo-antiracisme racialiste dont, en France, le Parti des Indigènes de la République est la plus claire expression mais dont on trouvera plus tard des échos dans la direction de La France Insoumise.
Notamment chez Jean-Luc Mélenchon, Éric Coquerel, Clémentine Autain et Danièle Obono (proche de Houria Bouteldja, l’égérie des Indigènes de la République). Aujourd’hui, les trotskistes d’hier s’étant massivement convertis au décolonialisme, il faudrait parler d’islamo-décolonialisme.
Il faut donc distinguer deux formes idéologiques successives de ce que j’ai appelé il y a vingt ans l’islamo-gauchisme, et ce, en raison de l’évolution de l’extrême gauche en Europe de l’Ouest. Au début des années 2000, l’islamo-gauchisme, tel que je l’ai alors défini, se présentait comme une alliance militante entre des groupes marxistes, surtout trotskistes, et des groupes islamistes, associés sur la base de l’anti-impérialisme et de l’antisionisme qu’ils partageaient. Mais, par la suite, l’extrême gauche ou la gauche de la gauche (ou, pour aller vite, le gauchisme) a changé de matrice idéologique.
Comme je l’ai déjà pointé, nombreux sont les révolutionnaires marxistes, notamment trotskistes, qui, au cours des années 2005-2020, se sont ralliés au décolonialisme, à l’intersectionnalisme, à un féminisme radical misandre (c’est-à-dire le « second sexisme » qui, alimenté par la prétendue « théorie du genre », incite à la haine du « mâle blanc hétéro ») et à la « théorie critique de la race », que je considère comme une forme pseudo-antiraciste de racialisme militant.
C’est dans cette nouvelle configuration idéologique que se développe aujourd’hui, en France et en Grande-Bretagne sur le modèle des États-Unis et du Canada, l’activisme « woke » et la « cancel culture », qui nourrissent un hyper-moralisme ou un puritanisme pseudo-antiraciste travaillant à la destruction de notre histoire et de notre haute culture.
Il faut bien sûr distinguer analytiquement les alliances politiques explicites entre islamistes et gauchistes du vaste mouvement d’opinion islamophile, voire islamismophile, observable à l’extrême gauche. À quelques exceptions près, les mouvances gauchistes, mais aussi une partie de la gauche, sont passées, face à l’islam politique, de l’indulgence à la complaisance, et de celle-ci à la connivence, voire à la complicité à travers diverses alliances.
Après le lancement de la seconde Intifada et le 11-Septembre, la rupture entre la gauche républicaine anti-islamiste et la gauche radicale antisioniste (et anti-système) s’est manifestée de diverses manières dans le champ politique. Au cours des années 2010, elle a tourné à l’affrontement à la suite des attentats jihadistes sur le sol français, illustrés par les attaques meurtrières de Mohammed Merah en mars 2012 et le massacre commis en janvier 2015 dans la rédaction de Charlie Hebdo.
Du coup, les islamo-gauchistes se sont ralliés à la stratégie rhétorique des islamistes, qu’on peut résumer par cette formule : « Plus les jihadistes tuent, et plus l’islamophobie doit être dénoncée. » L’appel islamiste à la « lutte contre l’islamophobie » est devenu le thème le plus mobilisateur dans les milieux islamo-gauchistes, pour entrer en synthèse avec le pro-palestinisme victimaire toujours attractif.