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Les Paradise Papers : scandale fiscal et danger démocratique
Écrit par Emmanuel Maurel
Emmanuel Maurel Député européen
Les 6,8 millions de documents internes du cabinet d’avocats Appleby, spécialisé en montages offshore, révélés par le journal allemand Süddeutsche Zeitung, c’est presque le scandale de trop.
On n’ose le dire, tant il est fort à parier qu’un autre suivra, et il faudra encore remercier quelques courageux lanceurs d’alerte de prendre des risques considérables sur leur vie, leur emploi, pour informer le public de cette gigantesque défaillance multilatérale et nationale que constitue le système offshore.
Le nombre de dirigeants publics impliqués est proprement choquant, mais les Panama Papers en avaient déjà fait état. On ne peut se contenter d’en appeler à l’exemplarité.
« L’impôt est le prix que l’on paye pour une société civilisée », aimait à rappeler le secrétaire au Trésor du président américain F.D. Roosevelt, un mot qu’il faudrait peut-être graver dans nos constitutions et sur les programmes des candidats aux élections. Car ce n’est ni plus ni moins qu’une image de délinquance généralisée qui se dégage des pratiques fiscales exposées au grand jour : la loi fiscale n’est pas appliquée. L’impunité règne pour les plus fortunés des contribuables : entreprises multinationales, holdings, et riches particuliers.
L’impôt est l’incarnation financière du lien qui fonde le pacte social. La « contribution publique » est au cœur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : ce n’est pas un hasard. Se soustraire à l’impôt, c’est défier l’Etat ; et le faire impunément, c’est mettre en danger la solidarité nationale et le fonctionnement de nos démocraties.
Le Parlement européen depuis le scandale Luxleaks et sur chacune des directives proposées à lui par la Commission soutient des positions qui vont bien au-delà du cadre actuel : transparence complète, clauses fiscales dans les accords, responsabilité des intermédiaires. En vérité les révélations comme celles d’aujourd’hui sont encore possible en grande partie parce que les Etats préfèrent continuer à se livrer une guerre fiscale larvée et parce que les élites économiques ont intérêt au statu quo pour leurs propres intérêts financiers.
Fidèle à mes interpellations constantes en la matière depuis plusieurs années, je réitère ma conviction que seules des mesures de nature coercitive, fortes, vis-à-vis de ces micro-juridictions sans foi ni loi fiscale, sont capables d’arrêter l’hémorragie. La fuite des revenus et de profits ne s’enrayera que si l’on établit au niveau européen d’abord, au niveau multilatéral ensuite, une liste solide des paradis fiscaux, associée à des sanctions automatiques. Quel dialogue espère-t-on encore nouer avec des territoires qui font un pied de nez permanent à nos économies et nos démocraties ? Les États européens devraient donc accélérer singulièrement la création de la liste européenne des paradis fiscaux, et accepter enfin que des régimes d’impôt à 0% et d’opacité favorables aux trusts et autres sociétés ad hoc soient des critères suffisants. L’opinion publique européenne est unanime, les gouvernements devraient l’être.