Contre la "chasse aux sorcières" de Frédérique Vidal : universitaires étrangers et français et intersyndicale CNRS

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Près de 200 universitaires du monde anglophone ainsi que l'intersyndicale du CNRS dénoncent la « chasse aux sorcières » menée par la ministre Frédérique Vidal.

1/ Tribune d'universitaires du monde anglophone.

« Nous écrivons pour exprimer notre profonde consternation devant la récente requête de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, demandant au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de diligenter une enquête sur les agissements « islamo-gauchistes » dans les universités françaises.

Nous regrettons qu’après le passage par le gouvernement français d’une loi sur le « séparatisme » ayant déjà accentué la stigmatisation de musulmans en France, ce soit désormais aux universitaires d’être accusés de polariser les débats publics. L’idée que l’on puisse surveiller des enseignants-chercheurs sous prétexte du « dévoiement militant de la recherche » est dans les faits une menace directe de censure qui nous inquiète à plus d’un titre.

Tout d’abord, l’Etat n’a ni le droit ni la compétence pour censurer les travaux d’universitaires qui s’appuient sur leur expertise pour contribuer à l’avancée du savoir dans nos sociétés. C’est un précédent dangereux qui ne saurait être toléré dans une société démocratique.

L’argument selon lequel des universitaires, soi-disant « islamo-gauchistes », risquent de diviser la société est dans les faits un effort visant à diffamer nos collègues. Cette attaque est de surcroît justifiée au nom de la protection de la République face à l’alliance supposée entre une partie de la gauche et un groupe religieux.

Nous ne pouvons manquer de souligner la résonance avec les plus sombres moments de l’histoire française, et notamment avec un discours attaquant les « judéo-bolcheviques » qui déjà servait à créer l’amalgame entre engagements politiques et religieux ».

2/ Communiqué de l'intersyndicale de la recherche et de l'enseignement supérieur. 

-Les syndicats CGT, FSU et Sud de la recherche et de l’enseignement supérieur ont condamné “sans appel” les propos de la ministre Frédérique Vidal sur l’“islamo-gauchisme” à l’université, et demandent son départ, ce vendredi 5 mars, dans un communiqué.

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a selon eux “franchi la ligne rouge” en demandant, en février dernier, au CNRS d’enquêter sur le militantisme lié à “l’islamo-gauchisme” dans la recherche académique.

Non seulement la ministre stigmatise des collègues et leurs travaux de recherche en les désignant à la vindicte publique à l’aide d’un vocabulaire emprunté à l’extrême droite, mais, dans le même élan, elle porte un coup sévère aux libertés académiques en demandant au CNRS de procéder à une enquête comme s’il s’agissait d’une affaire de basse police”, écrit cette intersyndicale regroupant notamment le SNTRS-CGT, le SNEP-FSU, Sud Éducation, Sud Recherche et la Confédération des jeunes chercheurs.

 “Nous avons besoin d’une ministre qui respecte le principe fondamental de l’indépendance de la recherche scientifique et qui s’attaque aux conséquences dramatiques de la crise sanitaire”, ajoutent-ils, s’associant à l’appel de syndicats d’étudiants pour une journée de mobilisation contre la précarité le 16 mars.

Nota :

Le 14 février sur CNews, Frédérique Vidal avait pointé l’“islamo-gauchisme”, qui à ses yeux “gangrène la société dans son ensemble, et l’université n’est pas imperméable”, puis demandé au CNRS un “bilan” afin de distinguer ce qui relève de la recherche académique et du militantisme.

Ses propos ont déclenché de vives protestations au sein de la communauté scientifique - plus de 600 universitaires ont demandé la démission de la ministre - et de la classe politique.