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A propos du vote blanc
Écrit par André Bellon
A propos du vote blanc
Dans la crise profonde que vit notre démocratie, de plus en plus nombreux sont nos concitoyens qui ne trouvent pas le candidat qu’ils souhaiteraient dans les choix qu’on leur propose. Non qu’ils souhaitent un idéal ; mais, trop souvent, ils ne se reconnaissent pas du tout dans les candidats proposés.
La montée de l’abstention est un des symptômes de cette situation. Néanmoins, beaucoup d’électeurs, attachés à leur devoir civique, vont voter malgré leur rejet. Ne voulant choisir aucun des candidats proposés, ils ne prennent aucun des bulletins mis à disposition. Ce sont leurs votes qui sont catalogués « blancs ou nuls ». Au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, environ un million d’électeurs ont voté ainsi de même que 1,8 million au deuxième tour. La loi française, contrairement à celles d’autres pays, tels la Grèce, la Belgique ou la Suède, ne considère pas ces votes comme exprimés. En fait, elle les assimile à des abstentions. A des abstentions d’ailleurs non comptabilisées avec les autres. En somme, le vote blanc est un non exprimé non comptabilisé.
La question du vote blanc n’est pas neuve. Il fut reconnu en France, le 23 avril 1848, pour l’élection des représentants à l’Assemblée constituante chargée de rédiger la constitution de la IIè République.
L’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République amena une reprise en main du système. Si le suffrage universel fut maintenu, de nombreuses mesures empêchèrent l’expression du vote populaire, en particulier l’obligation de résidence pendant trois ans. Le bulletin blanc disparut en tant que suffrage exprimé. Il n’a jamais réapparu.
Pourtant, il s’agit bien là d’un choix exprimé dans le respect des principes démocratiques. Refuser de le prendre en compte revient quasiment à ne considérer comme des bons citoyens que ceux qui choisissent les candidats imposés par un système politique de plus en plus fermé. C’est d’ailleurs l’argument essentiel utilisé par les opposants à la comptabilisation du vote blanc : ils affirment qu’un tel système poussera les électeurs à ne pas choisir. Une telle affirmation signifie qu’on considère que le « bon citoyen » doit faire un choix, même si cela l’amène à voter pour quelqu’un qui le dégoûte. En somme, il doit légitimer les seuls candidats qu’on lui propose. On s’étonnera ensuite du montant des abstentions ou des votes extrémistes.
On comprend bien alors les inquiétudes des dirigeants. Accepter de considérer les votes blancs comme aussi légitimes que les autres revient à reconnaître la faible légitimité des candidats officiels. Leur pourcentage affiché serait en baisse ; parfois même, il pourrait remettre en cause –pourquoi pas- leur élection, si la loi demandait un pourcentage significatif des exprimés pour pouvoir être élu.
Mais ce n’est pas en cassant l’instrument de mesure qu’on empêchera la crise de légitimité qui touche le monde politique. Les handicaps institutionnels, financiers, médiatiques, qui empêchent nombre de candidatures, conduisent de plus en plus de citoyens à refuser les choix imposés. Le suffrage, dans un tel contexte, n’a plus d’universel que le nom. On ne peut que se soumettre ou ne pas participer.
C’est pourquoi le phénomène s’amplifie d’élection en élection. On peut donc penser que la question finira par s’imposer dans les esprits. On peut même envisager que la prise en compte des votes blancs comme votes exprimés pourrait éviter beaucoup de votes de pure contestation en faveur de partis extrémistes.
Mais rien n’y fait. Partagés entre le besoin de garder le pouvoir et la nécessité d’afficher une légitimité minimale, la classe dirigeante ne pense qu’à verrouiller. Pour combien de temps encore
André Bellon