Repenser le Troisième Reich, ou le retour de la dimension oubliée : idéologie, mythe, mystique, religiosité séculière

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         "Mein Kampf" reste-t-il un receuil d'idéologique d'idées neuves ? 
          A lire et méditer cette postface de PAT à  Anne Quinchon-Caudal, "Hitler et les races. L’anthropologie nationale-socialiste" Paris, Berg International, 2013, pp. 245-268...
           ... elle illustre le fondement de la Table Ronde de Thoiry du 17.09.2016 sur La Paix par le droit et non par la force car  "le ventre de la bête immonde est toujours fécond".           
           L’ouvrage d’Anne Quinchon-Caudal, aussi clair que bien documenté, donne une vision d’ensemble des conceptions de la « race » et du « sang » qui constituent le noyau de ce qu’il est convenu d’appeler l’idéologie nazie. Il analyse d’une façon convaincante les tensions existant entre la réinvention des mythes antijuifs et le projet de développer le prétendu « racisme scientifique » sur la base de l’anthropologie physique et de la génétique. Il montre aussi que, sous le Troisième Reich, de multiples « écoles » se disputaient sur les définitions, les approches et les usages de la « race » : les mystiques et les partisans d’une religiosité « nordique » ou « aryenne », les défenseurs d’une anthropologie physique descriptive et les spécialistes de la « science raciale », les eugénistes de diverses obédiences, les nationalistes, etc.

      Certains auteurs prétendent à l’objectivité scientifique, d’autres assument leur statut de polémistes, d’autres encore jouent aux prophètes inspirés ou aux fondateurs d’une nouvelle religion de salut. Mais les mêmes qui se donnent un visage scientiste en se référant aux « lois de la nature » ne répugnent pas à reprendre à leur compte certains éléments de la religiosité « völkisch » visant à resacraliser ou réenchanter « la Nature ».

       Ce livre souligne enfin le fait que, dans leurs écrits, leurs discours ou leurs déclarations sur le « sang » ou la « race », les dirigeants  nationaux-socialistes peuvent être classés du plus « mystique » au plus « matérialiste », ou, plus précisément, situés entre deux pôles extrêmes : d’un côté,  les partisans d’un vitalisme mystique, et, de l’autre, ceux d’un matérialisme biologique. Anne Quinchon-Caudal a choisi d’étudier d’une façon comparative les conceptions respectives de cinq chefs nazis : Alfred Rosenberg, Adolf Hitler,Julius Streicher, Heinrich Himmler et Richard Walter Darré. Elle aurait pu ajouter Joseph Goebbels, dont le nationalisme hypertrophié a fini par se réduire à une vision manichéenne du monde, où, comme chez Hitler, une guerre totale et finale est engagée entre « le Juif » et « l’Aryen »[1].

      Dans cet ouvrage, Anne Quinchon-Caudal procède à des lectures pénétrantes d’écrits parfois bien connus (de Rosenberg, Hitler, Himmler, etc.), qu’elle sait « faire parler ». À travers des analyses de textes et des reconstitutions de contextes, elle fait preuve d’une remarquable maîtrise des principaux modèles descriptifs ou interprétatifs proposés par les historiens et les spécialistes de sciences sociales qui ont publié sur la question. Elle montre en particulier comment le thème de la « lutte des races » a nourri l’idéologie nationale-socialiste à travers le prisme des représentations diffusées par les mouvements völkisch à caractère politico-religieux, et a permis l’invention d’une figure de l’ennemi absolu, « le Juif international », incarnant une menace dotée d’une dimension apocalyptique. Voilà qui permet de comprendre en quoi l’antisémitisme joua le rôle d’une vision globale de l’Histoire, et, dans ses formes les plus radicales, put se transformer en une méthode ou une doctrine de salut collectif, caractérisée par Saul Friedländer comme un « antisémitisme rédempteur[2] ». On en connaît l’illustration la plus frappante : « Je crois agir selon l’esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car : En me défendant contre le Juif, je combats pour défendre l’œuvre du Seigneur[3]. »  

      Prenant au sérieux de telles déclarations, Anne Quinchon-Caudal sollicite judicieusement la notion de « religion politique » qui, un demi-siècle après sa première élaboration par le philosophe Eric Voegelin en 1938[4] – quelques années avant la construction du modèle des « religions séculières » par Raymond Aron[5] –,  a été transformée en un modèle d’intelligibilité du national-socialisme[6]. Ce nouveau paradigme a contribué à réorienter les recherches historiques vers l’étude de l’efficacité symbolique des croyances. Une telle approche a été discutée savamment dans l’ouvrage publié en 1997 sous la direction de Michael Ley et Julius H. Schoeps, Der Nationalsozialismus als politische Religion[7]. David Redles, pour sa part, a poursuivi ses travaux sur « l’idéologie raciale » de Hitler en les inscrivant dans une approche des croyances millénaristes et apocalyptiques qui, coexistant avec une « religion de la nature[8] », constituèrent les fondements de la « religion politique » que fut globalement  le nazisme[9]. Dans cette même perspective, mais débordant l’examen du cas Hitler vers une analyse comparative des doctrines accrochées à des noms d’auteurs, il convient de mentionner les recherches érudites de Claus-Ekkehard Bärsch[10], de Richard Steigmann-Gall[11] et de Karla O. Poewe[12].

      PAT11.jpg Ce livre d’une germaniste, issu d’une thèse de doctorat brillamment soutenue en novembre 2005, « Ceci est ton sang » : l’anthropologie nationale-socialiste entre mysticisme et science aryenne (Université Paris IV-Sorbonne), témoigne du dynamisme d’une tradition française née à la fin du XIXe siècle, avec les travaux d’histoire des idées dus aux germanistes Henri Lichtenberger et Charles Andler, suivis par ceux d’Edmond Vermeil, de Robert d’Harcourt et de Robert Minder, puis par ceux, plus récents, de Louis Dupeux 13], Denis Goeldel[14], Gilbert Merlio[15] ou Marc Cluet[16]. Or, l’histoire des idées a été la grande oubliée de l’historiographie récente du national-socialisme, telle qu’elle s’est développée dans la recherche universitaire internationale. Plus précisément, l’analyse approfondie des textes idéologiques et doctrinaux des hauts dignitaires comme des « intellectuels » officiels du régime hitlérien n’a guère tenté les historiens, les philosophes ou les spécialistes de sciences sociales[17]. Les historiens spécialisés dans l’étude du Troisième Reich ont, dans l’ensemble, privilégié l’étude des structures, des processus et des fonctionnements institutionnels du régime national-socialiste, avec pour objectif principal de comprendre comment l’entreprise génocidaire a été possible.

      Ce mouvement dans l’historiographie, marqué par une orientation fonctionnaliste, s’est accentué depuis les années 1980, en France comme en Allemagne et dans les pays anglo-saxons. L’analyse des constructions doctrinales, des systèmes d’idées et plus largement des productions intellectuelles du régime national-socialiste a été reléguée aux marges du champ des objets d’étude dignes de ce nom, voire abandonnée aux essayistes approximatifs et aux polémistes sans scrupules. La masse des écrits doctrinaux concernant la « question juive[18] », l’étude des races (l’anthropologie raciale, la génétique humaine, la raciologie), la « pensée nordique » ou l’« hygiène raciale » (ou eugénisme), impliquant de considérer autant la diversité des approches que la rivalité des écoles, n’a fait l’objet que d’un petit nombre d’études approfondies, parmi lesquelles l’on doit mentionner au premier chef les publications de Hans-Jürgen Lutzhöft[19], Paul Weindling[20], Peter Weingart[21], Robert N. Proctor[22], Stefan Kühl[23], Peter Emil Becker[24], Gretchen E. Schafft[25], Christopher M. Hutton[26], Uwe Hoßfeld[27], ou Richard Weikart[28].

      En langue française, l’ouvrage co-signé par Édouard Conte et Cornelia Essner, La Quête de la race. Une anthropologie  du nazisme[29], n’a été qu’une heureuse exception à la règle[30]. Il est vrai que la tâche peut paraître redoutable : outre une formation philosophique et linguistique préalable, elle requiert de croiser l’histoire intellectuelle, l’histoire sémantique des concepts, l’histoire politique et l’histoire des sciences pour faire une histoire des idées qui ne réduise pas à une suite de citations brièvement commentées ou de paraphrases plus ou moins heureuses, dont l’un des travers est d’attribuer aux mots du texte-objet les significations dont on a besoin pour la démonstration, et de prendre les mots ainsi traités comme témoins fiables ou comme indices révélateurs, sans tenir compte des contextes ni des positions argumentatives[31].

      Simplifions le tableau. Deux conceptions de la race coexistent dans l’idéologie nazie, la première issue de l’anthropologie physique visant à élaborer selon divers critères des classifications raciales hiérarchiques dont le sommet est toujours occupé par la « race nordique », la seconde reprenant le projet eugéniste d’une amélioration des qualités héréditaires de la population considérée, nationalement ou racialement définie, au moyen d’une sélection systématique des procréateurs.

      Ces deux conceptions peuvent entrer en synthèse pour faire surgir un programme relevant à la fois du racisme « nordiciste » et des préoccupations eugénistes, à l’origine de la création du Lebensborn (« source de vie », « printemps de la vie ») par Himmler[32]. À quoi s’ajoute une polémique permanente entre ceux qui, en ethno-nationalistes (d’inspiration völkisch), pratiquent le culte de la « race allemande » en  privilégiant la catégorie de  « peuple-race » (Volksrasse), et ceux qui, en racistes supra-nationaux adeptes de « l’idée nordique », ne se préoccupent guère que du destin de la « race nordique », déplorent la « dénordisation » des populations européennes et se fixent comme idéal biopolitique leur « renordisation »[33]. D’où le caractère composite de l’idéologie raciste propre au nazisme. La race typologique de l’anthropologie raciale ou raciologie (Hans F. K. Günther)[34], liée au racisme « nordiciste[35] », se distingue de la « race vitale » de l’« hygiène raciale » (Alfred Ploetz)[36] et de la « race allemande » des ethno-nationalistes, mais aussi de la race définie par les généticiens mendéliens, spécialistes de « biologie raciale », sur la base des fréquences de gènes différentes, à la suite des travaux d’Eugen Fischer[37]. Quant à la psychologie raciale développée par le théoricien nordiciste Ludwig Ferdinand Clauss, centrée sur les notions d’« âme raciale » et de « style racial », elle représente une variante du relativisme ethnoracial en même temps qu’une réinterprétation de la vieille physiognomonie[38].

      Il faut en outre mentionner la diffusion dans les milieux nazis, à la suite du best-seller de l’écrivain völkisch Artur Dinter, Le Péché contre le Sang (1918) – roman auquel Anne Quinchon-Caudal consacre des pages éclairantes[39] –, d’un ensemble de croyances mythiques mêlant la race (comme « sang »), le sexe et la procréation : la doctrine de l’« imprégnation » et la « télégonie » (ou « procréation à distance »). Le processus appelé « imprégnation » est ainsi caractérisé par Julius Streicher : « Un seul rapport sexuel d’un Juif avec une femme aryenne suffit pour empoisonner le sang de cette dernière pour toujours. » Dès lors, la descendance de la femme aryenne ainsi « souillée » est à jamais frappée des « tares » transmises par simple contact. L’« imprégnation », fondée sur la croyance que la semence juive, même sans fécondation, constitue un« poison » agissant par simple contact, équivaut pour Streicher à une « bâtardisation raciale », et ses théoriciens déplorent que tant de femmes sombrent dans l’« infamie raciale » (Rassenschande), délit passible de lourdes peines de prison.

      Dès lors, la ségrégation sexuelle s’impose comme un corollaire de la ségrégation raciale. Ce dogme raciste - qui suppose de croire à la « prépotence du sang juif », censé être plus fort que le « sang aryen » - est récusé avec virulence comme délire pseudo-scientifique par le généticien eugéniste Fritz Lenz comme par le haut responsable nazi Walter Gross. Mais Hitler, à l’instar de Streicher, ne s’en montre pas moins obsédé par le thème de l’« empoisonnement du sang[40] », et plus spécifiquement par celui de la « souillure du sang » de la « jeune fille inconsciente du danger » par « les Juifs[41] » : « Systématiquement, ces parasites aux cheveux noirs, qui vivent aux dépens de notre peuple, souillent nos jeunes filles inexpérimentées et causent ainsi des ravages que rien en ce monde ne pourra plus compenser[42]. » Dès lors, l’élimination du principe du Mal, « le Juif », constitue la voie de la rédemption de l’humanité aryenne.

      L’un des résultats les plus intéressants des analyses fouillées d’Anne Quinchon-Caudal concerne la tension qu’on rencontre chez de nombreux auteurs entre deux types de représentations du « sang » : d’une part, le « sang » comme métaphore de l’hérédité (celle de la lignée ou celle de la « race ») ou du patrimoine génétique, et d’autre part, le « sang » comme symbole d’une forme spirituelle, figuration d’une manière de penser, de sentir, de réagir[43]. On retrouve l’hésitation entre un réductionnisme bio-matérialiste et une spiritualisation « laxiste » du « sang », devenu objet de culte. 

      D’où les deux grandes orientations du racisme et de la judéophobie modernes : d’une part, l’orientation biologisante, privilégiant soit les caractères somatiques (à la manière de la vieille anthropologie physique), soit les caractéristiques génétiques des groupes considérés ; d’autre part, l’orientation culturalisante, faisant prévaloir les différences culturelles, ou postulant  l’irréductibilité des types spirituels distingués, sur le modèle du principe d’incommensurabilité élaboré par les théoriciens du relativisme culturel radical.  Les synthèses de ces orientations distinctes, et à bien des égards incompatibles, se sont pourtant multipliées : c’est le propre des mythes que de surmonter rhétoriquement, par la magie du discours, les contradictions. C’est ce que ce beau livre montre clairement, sur l’exemple du national-socialisme, interprété comme système idéocratique. On devrait pouvoir dire  d’une façon plus suggestive : « mythocratique ». Car le Troisième Reich aura été une machine à transformer les idées en dogmes et en mythes. Et Hitler a bien cru à ses mythes, ce qui ne l’a nullement  empêché de les instrumentaliser cyniquement, en propagandiste avisé.

      La question continue de se poser : Hitler a-t-il lu Theodor Fritsch, et, si ce fut le cas, à quel moment de sa vie ? Le « vieux maître de l’antisémitisme allemand » - comme l’appelait affectueusement Hitler -, a exercé en Allemagne un véritable magistère en matière d’antisémitisme depuis la publication à Leipzig, en 1887, de son  Antisemiten-Katechismus (« Catéchisme des antisémites »), réédité en 1907 sous le titre  Handbuch der Judenfrage (« Manuel de la question juive »), dans des rééditions toujours remaniées ou augmentées. Il fut certainement, jusqu’à sa mort en septembre 1933, le plus actif des idéologues völkisch, et l’un des plus fanatiques adeptes de la mystique du « sang aryen ». Sa revue, intitulée Hammer (« Marteau »), lancée à Leipzig en janvier 1902, s’adressait à un public populaire[44]. Se référant à ses lectures de jeunesse lors de son séjour à Vienne, où il s’installa en février 1908, Hitler écrit à Fritsch, dans une lettre datée du 28 novembre 1930 : « Le Manuel de la question juive, je l’ai étudié à fond dès ma jeunesse, à Vienne. Je suis convaincu que c’est justement cet ouvrage qui a contribué de manière toute particulière à déblayer le terrain au grand profit de l’antisémitisme national-socialiste. J’espère que la 30e édition ne sera pas la dernière et que ce manuel se trouvera bientôt dans chaque famille allemande. »

       Il est cependant peu probable que le jeune Hitler ait lu le Manuel de la question juive à Vienne. Il est vraisemblable  qu’il s’agit là d’une reconstruction rétrospective du Führer[45]. Mais il est sûr qu’au début des années 1920, Hitler, disciple de Dietrich Eckart qui connaissait bien Fritsch, a rattrapé son retard en se mettant à lire le célèbre auteur du Manuel, et qu’il s’en est nourri, à la suite de nombreux nationalistes allemands devenus nazis, à commencer par Streicher. L’historien Richard Evans cite à ce propos le témoignage d’un membre des sections d’assaut écrivant en 1934 : « Après la guerre, j’ai commencé à beaucoup m’intéresser à la politique. J’étudiais avidement les journaux de toutes les tendances. En 1920, j’ai remarqué une publicité pour un périodique antisémite, le Marteau de Theodor Fritsch, dans un journal de droite, et je m’y suis abonné. Grâce à ce périodique, j’ai pris conscience de l’influence dévastatrice des Juifs sur le peuple, l’État et l’économie. Aujourd’hui, je dois reconnaître que ce périodique a réellement été pour moi un pont vers le grand mouvement d’Adolf Hitler[46]. » On peut en outre formuler l’hypothèse selon laquelle l’article 24 du programme du NSDAP, affirmant que le parti défendait un « christianisme positif », qu’il combattait le « Juif en nous et hors de nous » et que « l’utilité collective primait sur l’utilité individuelle », portait la marque de la vision qu’avait Fritsch d’un christianisme formant l’antithèse la plus parfaite du judaïsme[47].

      Dès lors, la « nouvelle foi » célébrée par Goebbels dans son discours du 3 juillet 1932 à Berlin[48], cette « foi » était germano-chrétienne, et ne représentait nullement un retour au paganisme des anciens Germains. À travers Fritsch et Chamberlain, la vieille légende d’un « Christ aryen » était passée dans la doctrine orthodoxe du parti hitlérien. En outre, on sait que l’impératif catégorique du racisme hitlérien, fondamentalement mixophobe, avait pour contenu la défense de la « pureté de la race ». Mû par la hantise de la « souillure du sang » que produirait le métissage entre Juifs et Allemands (dits parfois « Aryens »), Hitler n’invente rien en la matière. Il ne fait que recueillir l’héritage des idéologues expressément racistes du nationalisme allemand völkisch, dont Fritsch était l’un des chefs de file et certainement le plus lu d’entre eux.

      Parmi les « Dix commandements allemands de l’autodéfense légale[49] » énoncés par Fritsch dans son Catéchisme des antisémites, on en trouvait deux qui appelaient à préserver la pureté raciale (« aryenne ») du peuple allemand :

      « III. Tu garderas ton sang pur. Considère comme un crime de souiller la noble race  aryenne de ton peuple en la mêlant à la race juive. Car tu dois savoir que le sang juif est éternel, et qu’il laissera son empreinte sur le corps et l’âme jusque dans  les générations les plus lointaines. (…) V. Tu n’auras pas de relations sociales avec le Juif. Évite tout contact, tout rapprochement avec le Juif, tiens-le à distance de toi et de ta famille, particulièrement de tes filles, de crainte que leur corps et leur âme n’encourent quelque outrage[50]. » 

      Ce programme d’interdits raciaux-sexuels sera repris par les législateurs nazis, pour aboutir aux lois de Nuremberg (1935)[51]. Il inspirera aussi les propagandistes nazis ainsi que les auteurs de manuels scolaires du Troisième Reich. Par exemple sous la forme de ce commandement raciologique versifié : « Garde pur ton sang, / Ce n’est pas seulement le tien. / Il vient de loin, / il coule au loin. / Il est lourd du poids de mille ancêtres / et tout l’avenir y afflue. / Garde pur le manteau / de ton immortalité[52]. »    

Les approches du cas Hitler. De la méconnaissance à la reconnaissance des facteurs idéologiques 

      Au début de son grand livre publié en 1942, Béhémoth. Structure et pratique du national-socialisme, Franz Neumann formule l’hypothèse selon laquelle « l’idéologie du national-socialisme offre les meilleurs indices pour comprendre ses buts ultimes », et ajoute que « l’étude n’en est ni agréable ni simple », car « l’idéologie national-socialiste est dépourvue de toute harmonie interne[53] ».

      Voilà qui semble accorder à l’analyse des constructions idéologiques une place centrale dans les recherches sur le Troisième Reich. Et pourtant, telle n’est pas l’orientation suivie par Neumann. L’objectif final du national-socialisme, quelles que puissent être les déclarations explicites des hauts dirigeants du Troisième Reich, ne peut être, selon Neumann,  que la domination du monde : « Le but explicite du national-socialisme n’est peut-être pas de dominer le monde, mais les antagonismes économiques et sociaux le conduiront à étendre son empire bien au-delà de l’Europe. Les composantes doctrinales de son idéologie rendent inévitables une telle conclusion[54]. »

      Neumann émet une seconde hypothèse sur la nature de l’idéologie nazie : « Sous sa forme extérieure, en tant que propagande, l’idéologie totalitaire ne se distingue pas seulement des idéologies démocratiques par son caractère unique et exclusif, mais par sa fusion avec la terreur. (…) L’idéologie démocratique triomphe si elle peut convaincre ou séduire ; l’idéologie nationale-socialiste convainc par son emploi de la terreur[55]. »  Neumann suppose justement l’existence d’un lien entre le degré zéro de l’argumentation et la mise au pas par l’organisation de la terreur : tel a été en effet, si l’on ajoute une redoutable intelligence tactique des situations, l’exercice ordinaire de la propagande sous la direction de Joseph Goebbels.

      Une troisième hypothèse interprétative est avancée par Neumann qui, sous-estimant l’importance des dogmes racistes, eugénistes et darwinistes-sociaux, souligne l’allure « pragmatique » du discours idéologique nazi, en perpétuel réajustement aux situations nouvelles : « Le national-socialisme n’a ni théorie de la société (…) ni vision cohérente de son fonctionnement, de sa nature et de son évolution. Il doit réaliser certaines fins, et réajuste ses affirmations idéologiques selon une série d’objectifs toujours en évolution. (…) L’idéologie nationale-socialiste est sans cesse en mouvement. Elle possède certaines croyances magiques, telles l’adoration vouée au chef et la suprématie de la race des seigneurs, mais sans se définir dans une série d’affirmations catégoriques et dogmatiques[56]. » Étrangère à la vérité comme valeur, l’idéologie nazie est ordonnée à la valeur d’efficacité, qui se prouve par l’accroissement de la puissance. Bref, « la philosophie du national-socialisme vit et meurt avec sa prétendue efficacité[57] ».  On trouve dans cette analyse un bon résumé des arguments avancés par ceux qui, historiens, sociologues ou politistes,  considèrent depuis les années 1950 que le rôle joué par l’idéologie nazie est secondaire,  voire négligeable, dans le fonctionnement et l’évolution du Troisième Reich. 

       La question de l’idéologie nazie s’entrecroise avec celle de la doctrine hitlérienne, laquelle peut être abordée comme un modèle normatif, une variante, une composante ou une synthèse. Mais, à considérer les textes et les documents de divers ordres produits par Hitler de 1919 à 1945, on constate que certaines de ses idées ont subi des transformations, allant de la simple réinterprétation à la radicalisation.

       Étudier l’idéologie nationale-socialiste, c’est nécessairement étudier le corpus hitlérien dans sa totalité, sans le réduire à Mein Kampf.  C’est aussi situer les thèmes récurrents et les thèses majeures du Führer, qui se présentent souvent comme des mythes ou des croyances dogmatiques, par rapport aux productions idéologiques de ses principaux lieutenants et des « intellectuels » officiels du régime, qui sont loin de pouvoir se réduire à un modèle unique[58]. Quand on parle, par commodité de langage,  de « l’idéologie nazie », on doit garder à l’esprit que cette dernière est hétérogène, que l’analyse de cette hétérogénéité conduit à mettre en évidence divers « camps » en lutte pour le monopole de la légitimité idéologique, laquelle, en dernière instance, est conférée par une décision, voire un simple signe d’approbation, du Führer.

      Parmi les historiens professionnels, les spécialistes reconnus du nazisme qui ont étudié de près Hitler en tant qu’idéologue, donc en tant qu’auteur de Mein Kampf et d’un grand nombre de discours, de déclarations et de conversations à teneur doctrinale, ne sont pas très nombreux.

      Ils représentent une minorité dans la masse de leurs pairs : Hugh Trevor-Roper, Joachim Fest, Werner Maser, Karl Dietrich Bracher, Klaus Hildebrand, Lucy Dawidowicz, Eberhard Jäckel, George L. Mosse, Gerald Fleming, Saul Friedländer, David Bankier, William Carr, Richard Breitman, Robert A. Pois, Yehuda Bauer, Peter Longerich, Jeffrey Herf, Philippe Burrin, Richard J. Evans, François Delpla ou Ian Kershaw.

      À cette liste d’auteurs déjà classiques,  il faut désormais ajouter Rainer Zitelmann[59]. Ces historiens se sont tous appliqués à mettre en évidence le rôle joué par Hitler, en tant que sujet doté de convictions idéologiques, dans le processus de décision qui a conduit au génocide des Juifs d’Europe. Ils ont donc pris au sérieux Hitler en tant qu’idéologue, ou comme producteur d’une « vision du monde » (Weltanschauung) – terme récurrent dans Mein Kampf[60] –, et, partant, pris en considération le fait que, si « l’idée nationale-socialiste » constituait pour les hitlériens une « vision du monde », la Seconde Guerre mondiale ne pouvait être pour ces derniers qu’une « lutte entre deux visions du monde[61] ». 

      Et ces historiens ont en même temps soutenu la thèse selon laquelle Hitler fut le meneur d’hommes sans qui jamais l’extermination des Juifs d’Europe n’aurait eu lieu. Au milieu des années 1960, le grand historien Walter Laqueur, à l’instar de George L. Mosse – auteur d’un ouvrage consacré aux « origines intellectuelles du Troisième Reich » (The Crisis of German Ideology, 1964), suivi d’une anthologie de textes introduits et situés, Nazi Culture (1966)[62] –, avait déjà souligné l’importance de la dimension idéologique du mouvement nazi :" La doctrine du mouvement hitlérien ne fut pas un simple  stratagème de propagande, ni l’épanchement d’un petit groupe d’esprits déséquilibrés. Au contraire, le nazisme est fondé sur un corps de doctrine qui date d’au moins un siècle[63]. » Certes, ce corps de doctrine était diversement interprété, tant par les hauts dignitaires du Troisième Reich que par les autorités administratives, les chefs militaires ou les professeurs d’université. Et des écoles rivales mettaient l’accent sur tel ou tel point de doctrine, quitte à s’engager dans des controverses houleuses ou à faire pression pour marginaliser les concurrents, voire les disqualifier. Mais, compte tenu du rôle joué par le Führer, dont l’omnipotence ne s’arrêtait pas aux portes de l’idéologie, on est en droit de soutenir la thèse que, pour l’essentiel, ce qu’on peut appeler la doctrine nazie se confond avec la doctrine hitlérienne. Voilà une raison qui pourrait paraître suffisante d’étudier de près l’ouvrage où Hitler a exposé systématiquement sa doctrine – sa « vision du monde » – et son programme politique, Mein Kampf, auquel il faut ajouter le « Deuxième Livre » rédigé en 1928[64]. 

       Cependant, même chez ces historiens spécialisés, à l’exception de Maser, Mosse, Dawidowicz, Carr, Pois, Longerich, Bauer, Jäckel, Kroll ou Zitelmann, les constructions doctrinales du Führer n’ont guère été prises au sérieux, ni en elles-mêmes, ni en tant que facteur causal décisif de l’évolution du Troisième Reich. Quand elles n’ont pas été traitées comme des symptômes d’un sujet atteint de troubles mentaux - marqués par une forte dimension paranoïaque[65] -, elles ont été globalement réduites à de la propagande : Hitler ne pouvait avoir été autre chose qu’un habile démagogue maîtrisant les techniques de la propagande politique, un praticien doué du discours propagandiste, bricolé à partir de recettes rhétoriques, de stéréotypes et de clichés. Le statut de ses écrits et de ses discours serait donc de l’ordre du slogan.

      Dans ses nombreux ouvrages sur Hitler et le nazisme publiés au cours des années 1930, le scrupuleux observateur des débuts du mouvement hitlérien qu’était Konrad Heiden avait largement diffusé cette approche, centrée sur la dénonciation de la propagande mensongère du NSDAP[66]. La propagande nationale-socialiste, écrivait-il en 1933, est « un mélange d’insultes brutales et d’actes de violence », et, en 1936, il accordait à Hitler le titre du « plus grand agitateur des masses de l’Histoire ».  Cette thèse n’est contestable qu’en ce qu’elle prend une allure réductionniste, car nul ne saurait nier la dimension sloganique du discours hitlérien. Mais cette vision s’est radicalisée sous l’impulsion d’un Alan Bullock, dont les premiers travaux sur Hitler, au début des années 1950, ont banalisé l’image d’un Hitler opportuniste, mû par le seul appétit du pouvoir, doublé d’un aventurier et d’un charlatan[67] – Bullock corrigera plus tard cette vision sommaire du dictateur[68]. Et l’on ne s’attend pas à trouver une pensée politique élaborée chez un imposteur, un escroc, un matamore ou un bateleur d’estrade. Comment prendre au sérieux un tel personnage de comédie ?

       Nombreux sont les historiens qui s’en sont tenus à un jugement polémique et hypermoral banalisé dans la littérature antinazie et plus largement antifasciste : Hitler, chef inhumain d’un régime inhumain, ne pouvait avoir eu une pensée politique cohérente, il aurait été incapable de forger une doctrine suffisamment consistante pour qu’on prenne la peine de l’analyser sérieusement. Tout juste pouvait-il être un prestidigitateur, un faiseur de mythes et un illusionniste, jouant la carte de l’esthétisation de la politique[69]. D’autres historiens se sont fondés sur le postulat que la dimension idéologique du « combat » d’Hitler était négligeable au regard des aspects organisationnels, institutionnels et tactico-stratégiques du mouvement nazi, replacé dans les contextes sociaux, économiques et politiques variables qu’il a su exploiter à son profit, jusqu’à la catastrophe finale.

       Les approches fonctionnalistes du nazisme, qui se sont multipliées depuis les années 1980, pour en fin de compte dominer dans le champ universitaire, ont fortement contribué à détourner l’attention des chercheurs de la doctrine hitlérienne, niée ou minimisée dans ses effets, et à les dissuader d’étudier son rôle dans l’évolution du nazisme. À la minimisation de la fonction remplie par l’idéologie, notamment par l’antisémitisme, s’est ajoutée celle du rôle joué par Hitler dans le processus de décision dont l’extermination des Juifs d’Europe fut le résultat. Les plus radicaux des historiens fonctionnalistes, tel Hans Mommsen, ont cru pouvoir étudier le processus ayant conduit à la « solution finale de la question juive » sans tenir compte des intentions exterminatrices exprimées par Hitler, ni même des facteurs strictement idéologiques, en dépit des travaux montrant la haute intensité et la grande diffusion de l’antisémitisme en Allemagne[70]. Dans la  perspective fonctionnaliste, il ne restait plus aux historiens spécialisés que d’étudier dans tous ses détails un vaste « engrenage » sans visée ni sujet. Ce qu’ils ont fait souvent avec talent.

      Lorsque le Führer a été réintroduit par les historiens de l’école fonctionnaliste, c’est en tant qu’acteur parmi d’autres d’un processus global et complexe appelé « nazisme », où le jeu impersonnel des institutions, des organisations rivales et des décisions bureaucratiques aurait prévalu sur l’action des dirigeants – rapportée à des facteurs de personnalité – et les orientations idéologiques. Historiens, politologues, sociologues et psychologues, après 1945, ont commencé par s’efforcer de répondre à la question : « Comment cela a-t-il pu arriver ? », qui impliquait de prendre en compte le rôle personnel d’Hitler et l’influence de ses thèmes doctrinaux. Au cours des années 1960, une nouvelle question orientatrice s’est peu à peu imposée : « Comment cela a-t-il pu fonctionner ? », qui a conduit les historiens, ne voyant dans l’Allemagne nazie qu’un vaste réseau d’organisations à la fois imbriquées les unes dans les autres et en concurrence entre elles,  à se désintéresser de toutes les questions concernant le programme politique d’Hitler et le rôle de ce dernier dans le système supposé chaotique du IIIe Reich. La « volonté du Führer » et sa doctrine, comme le visage et les discours du dictateur, s’effaçaient derrière les fonctionnements institutionnels. Dans le modèle fonctionnaliste du régime nazi, l’hitlérisme n’avait plus de place.  Dans son article de 1983, intitulé « La réalisation de l’utopique : la “solution finale de la question juive” sous le Troisième Reich », Mommsen expose ainsi son modèle interprétatif :

       « La “solution finale” est devenue psychologiquement réalisable à partir du moment où la formule hitlérienne de la “destruction de la race juive en Europe” [discours au Reichstag du 30 janvier 1939] a été reprise, par Heinrich Himmler en particulier, comme un mot d’ordre pour l’action. Hitler, pourra-t-on en conclure, fut l’initiateur idéologique et politique de la “solution finale”. Mais la conversion d’un projet apparemment utopique en une stratégie effectivement mise en œuvre fut le résultat, d’une part, de problèmes créés de toutes pièces et, d’autre part, de l’ambition que Heinrich Himmler et ses barons SS eurent de faire accéder le Millenium à la réalité du vivant même du dictateur, et de démontrer ainsi le caractère indispensable de la SS au sein du système de pouvoir national-socialiste. (…) Malgré le rôle décisif de Himmler et de Heydrich dans la naissance de la “solution finale”, il faut garder à l’esprit qu’une simple approche en termes de personnalité ne permet pas de véritablement comprendre le problème. Le pas décisif qui mène à la destruction de masse se situe au terme d’un processus politique complexe et parfaitement ouvert, au cours duquel les antagonismes internes restreignirent à ce point les choix possibles que la destruction physique des Juifs finit par apparaître comme une issue possible[71]. »

       À certains égards, cette négation récente du fait idéologique dans l’historiographie du nazisme rejoint les conclusions des vieilles approches psychopathologisantes du dictateur allemand : si Hitler a été un malade mental, affirmait-on, il est vain d’étudier ses écrits ou ses discours autrement que comme un ensemble de symptômes témoignant d’un délire dont les origines sont évidemment à chercher dans son histoire personnelle. Le traitement polémique de type « antifasciste » à l’ancienne, consistant à réduire le nazisme à une secte criminelle et son chef à un chef de bande sanguinaire, alimentait le même mépris pour la dimension idéologique. Voilà qui contrastait fortement avec le souci permanent d’endoctriner les masses allemandes dont faisaient preuve les hauts dirigeants nazis, à commencer par Hitler. Et bien sûr aussi avec l’habileté tactico-stratégique dont témoignaient les succès électoraux du Parti national-socialiste : aux élections du 14 septembre 1930, ce dernier avait recueilli 6 400 000 voix, alors qu’il n’en avait obtenu que 810 000 aux précédentes élections, deux ans auparavant. À la fin de 1931, comme le note Joachim Fest, « l’idée présomptueuse selon laquelle le parti d’Hitler n’était qu’une troupe de forbans petits-bourgeois et de hâbleurs démagogiques commença (…) à se transformer[72] ». Le mouvement nazi commençait à être perçu par les observateurs contemporains les plus avisés comme une « force de la nature[73] », à laquelle aucune digue ne pouvait résister. Mais la sous-estimation du mouvement nazi, accompagnée d’accents plus ou moins méprisants, n’en continua pas moins à se transmettre par le jeu mécanique des slogans « antifascistes ». Les visées polémiques ne sont guère compatibles avec l’exigence de l’objectivité, et, faisant obstacle à toute objectivation des phénomènes historiques, en produisent la méconnaissance.

      D’autres historiens, tel Joseph Peter Stern, auteur d’une étude pénétrante sur Hitler, ont réduit ce dernier à n’être qu’un « personnage représentatif » supposé incarner le « véritable sentiment d’identité du peuple allemand », bref, à une figure mythique, objet d’un véritable culte[74]. Ce qui revient à privilégier la construction de l’image du Führer, par lui-même comme par ses comparses (parmi lesquels Joseph Goebbels aura été le plus actif), au moyen de techniques de propagande. Mais le charisme du Führer ne pouvait s’exercer qu’à la condition que le discours de propagande rencontrât les attentes et les rejets des masses allemandes, ce qui met au premier plan l’interaction du Führer et du peuple allemand. On peut dès lors conclure avec J. P. Stern, dans une perspective psychosociale, que la représentation « héroïque » de Hitler, « Der Führer », était « autant une création originale des masses qu’une image qui leur avait été imposée », « autant une norme d’héroïsme que l’incarnation de leur propre moi ». Cette particularité du personnage et de l’action d’Hitler a été interprétée par nombre de ses contemporains comme ressortissant du religieux. Hitler apparaissait comme un chef inspiré à l’un de ses premiers compagnons d’armes, Gottfried Feder – le co-fondateur en 1919 du Deutsche Arbeiterpartei (DAP) qui se transformera en février 1920 en NSDAP –, qui comparait le « messie » germanique à venir au Christ, à Luther, à Savonarole, à Mahomet, bref, à un fondateur de religion. La volonté de fer est sa principale vertu, affirme Feder, il agit avec une « sûreté quasi somnambulique » et incarne le type du libérateur[75]. Cette description intuitive a frappé de nombreux commentateurs avisés[76]. À la suite d’une visite d’Hitler à Weimar (Nietzsche-Archiv), Elisabeth Förster-Nietzsche confiait au comte Harry Kessler : « Il donnait l’impression d’être un homme plus important au sens religieux qu’au sens politique[77]. » Cette dimension religieuse sautait aux yeux de ceux qui assistaient aux grandes manifestations nazies soigneusement mises en scène, baptisées par Goebbels « services religieux de notre travail politique », où l’apparition d’Hitler lui permettait d’être perçu « comme le sauveur, le libérateur, le rédempteur qui nous sortirait d’une misère immense », selon les mots d’une institutrice de Hambourg en avril 1932[78].  

       Les partisans les plus dogmatiques d’une approche fonctionnaliste  du Troisième Reich ont été logiquement conduits à présenter Hitler comme un « dictateur faible » – expression utilisée par Hans Mommsen en 1966. Dès lors, à quoi bon s’intéresser aux textes et aux discours produits par un aussi piètre Führer, aux pouvoirs aussi limités ? Et la remarque s’appliquait a fortiori aux productions idéologiques des lieutenants du dictateur ou des « intellectuels » du régime. Les approches relevant du sociologisme, fondées sur le primat de l’action des forces collectives, se sont expressément opposées aux approches « hitlérocentriques », privilégiant la personnalité d’Hitler et l’influence polymorphe de celui-ci – dans la  perspective de l’historien biographe (tel Werner Maser) ou dans celle de l’historien des idées politiques (tel Eberhard Jäckel), parfois tenté en effet de souscrire à une version trop simple de l’approche « intentionnaliste » de la Shoah, en tant que réalisation progressive d’un projet génocidaire conçu par Hitler dès le début des années 1920. L’étude pionnière de la « langue du Troisième Reich » par le philologue Victor Klemperer, parue en 1947, a attiré l’attention des spécialistes du nazisme sur le langage codé et les techniques d’euphémisation ou de camouflage lexical qu’utilisaient les nazis pour désigner leurs pratiques génocidaires[79]. Ce qui a eu pour effet de conforter l’approche réductrice des textes idéologiques comme instruments de propagande, à décoder ou à décrypter, dans une perspective démystificatrice.

        Les contenus doctrinaux, dès lors, importaient peu. La langue du génocide a été étudiée ensuite par de nombreux spécialistes, qu’ils soient historiens (Josef Wulf, Henry Friedlander[80], Walter Laqueur[81]), analystes des discours idéologiques (Jean Pierre Faye[82]) ou philosophes (Berel Lang[83]). C’est ainsi qu’un mot comme « Endlösung », signifiant littéralement « solution finale », était employé par les dirigeants et les bureaucrates nazis pour référer à l’extermination physique des Juifs d’Europe. Plus spécifiquement, on pouvait rencontrer les mots « Endziel » (« objectif final »), « Gesamtlösung » (« solution totale ») ou « endgültige Lösung » (solution définitive »), respectivement, chez Heydrich (21 septembre 1939), Göring (31 juillet 1941) et Himmler (8 décembre 1939). Il en allait de même pour le mot « Sonderbehandlung » qui, signifiant littéralement « traitement spécial », était employé, à l’instar de « Sonderaktion » (« action spéciale ») ou de « Sonderauftrag » (« mission spéciale »)  pour renvoyer à des mises à mort, à des assassinats de masse. Certains historiens ont cru pouvoir en tirer la conclusion que la langue nazie étant à la fois un langage trompeur et une « langue contaminée »,  son analyse devait être abandonnée à l’expertise psychiatrique et aux spécialistes des langages codés, ou, d’une façon plus expéditive, faire simplement l’objet d’une dénonciation militante, méprisante et indignée. Il n’était plus question dès lors de prendre au sérieux le corpus textuel nazi dans la perspective d’une histoire des idées politiques ou d’une analyse des configurations idéologiques.  

       D’une façon plus générale, l’historien Karl Dietrich Bracher, en 1976, avait pointé l’incapacité des adversaires du nazisme à prendre au sérieux l’idéologie national-socialiste[84]. Qu’elle dérive d’une peur de paraître justifier la barbarie du régime nazi en  reconnaissant l’existence d’un corpus doctrinal élaboré par ses hauts dirigeants,  ou d’une crainte de se sentir contaminé par son essence criminelle. Les traces de cette incapacité militante sont reconnaissables dans les travaux historiographiques sur le nazisme qui se sont entretemps multipliés. Ainsi, par exemple, en postulant que les nazis ne cessaient d’employer métaphoriquement les mots désignant leurs objectifs, on rend inaccessibles en principe leurs « intentions » (leurs mots étant censés les masquer ou les travestir), et l’on en arrive à abandonner l’analyse des discours idéologiques des leaders, à commencer par ceux de Hitler. Tel aura été l’effet indésirable de la généralisation abusive, à tout le langage nazi, des stratégies d’euphémisation utilisées par l’appareil du Troisième Reich pour désigner tout ce qui concernait la « Solution finale ». En 2005, Jeffrey Herf faisait justement remarquer à propos de certaines approches hypercritiques du langage nazi impliquant  un décryptage infini de celui-ci, que « la signification de leurs mots [des nazis], pour ceux qui les prenaient au sérieux, était claire », et qu’il fallait s’en tenir à l’hypothèse suivante : « Les nazis disaient ce qu’ils voulaient dire et voulaient dire ce qu’ils disaient[85]. » À la fin de son grand livre sur « les origines intellectuelles du Troisième Reich », où il montre comment l’idéologie völkisch, alliée au ressentiment anti-moderne, a pu être assimilée par les techniques modernes de manipulation des masses utilisées par le national-socialisme, George L. Mosse réaffirmait d’une façon concise son hypothèse de travail : « C’est toujours l’idéologie qui fournit les présupposés de base et l’objectif ultime[86]. »

       Le « guide » suprême n’a cessé de donner le ton et d’indiquer les directions à prendre sous le Troisième Reich, où chaque haut dirigeant du régime était conduit à « travailler en direction du Führer[87] » ou « dans le sens de la volonté du Führer », chacun rivalisant avec tous les autres dans la mise en œuvre de la « volonté du Führer »[88]. Cette « volonté » normative, ils en trouvaient l’expression soit dans Mein Kampf, soit dans tel ou tel discours d’Hitler, sans rencontrer d’insurmontables problèmes d’interprétation des messages. Et la langue de Mein Kampf ne saurait être caractérisée par le recours à l’euphémisation, au codage ou au cryptage. C’est bien plutôt sa brutalité et sa violence provocatrices qui frappent le lecteur. Dans la définition de ses principes doctrinaux et de ses objectifs politiques ou biopolitiques, Hitler ne recourt pas aux précautions de langage. Tout au contraire. On doit par ailleurs noter que c’est surtout dans la période 1939-1941 que s’est mise en place la « langue du Troisième Reich », alors que commençaient à être organisées des exécutions de masse auxquelles il n’était pas question de faire une large publicité. Durant la Seconde Guerre mondiale, à partir de l’automne 1941, l’emprise d’Hitler sur le régime nazi s’est notamment marquée par la pression permanente qu’il a exercée en direction du judéocide, quels qu’en aient été les modes de réalisation (des fusillades aux gazages). Et il a été parfaitement compris par ses subordonnés[89].

       Il convient certes, à l’instar de l’historien des idées et philosophe Ernst Nolte, de distinguer l’histoire des idéologies de l’histoire des idées, même si les frontières entre les deux champs sont à la fois indéterminées et poreuses. Une idéologie est un système plus ou moins organisé de représentations et de croyances, dont la fonction est quintuple : cognitive, évaluative, normative, émotive et pratique (ou pragmatique). Les fonctions pragmatique et émotive de l’idéologie sont déterminantes, et impliquent de ne pas privilégier, dans l’explication historique, la psychologie des intérêts, qui suppose naïvement que l’homme n’est qu’un animal social rationnel et calculateur, mû par ses seuls intérêts rationnels ou égoïstes[90]. Car la fonction pragmatique ne consiste pas en une adaptation rationnelle et intéressée au statu quo, elle consiste au contraire à prendre distance par rapport au réel, à le déformer ou le nier, à lui substituer un monde fictif (qu’il soit imaginé comme répulsif ou désirable), et devient ainsi le moteur d’une « exacerbation » permanente qui, en mobilisant les émotions ou passions fondamentales (amour, espoir, enthousiasme, haine, crainte, mépris, indignation, colère, ressentiment), aboutit à transformer l’ordre sociopolitique.

       Si une configuration idéologique a force de mobiliser et de légitimer, c’est parce qu’elle agit par avant tout sur le mode de la surenchère. On peut dire en ce sens qu’elle fait l’histoire, comme le suggère Nolte : « C’est l’idéologique qui donne naissance aux actes les plus significatifs[91]. » L’action idéologique au sens fort postule que la réalité historique est malléable, qu’elle est façonnable et refaçonnable, modelable et remodelable. En ce sens, elle a partie liée avec un hyper-volontarisme, celui-là même qu’incarnait Hitler en tant que Führer. Ce volontarisme hyperbolique l’oppose absolument à toute forme de traditionalisme. La propension à remodeler sans fin le réel selon l’Idée était une composante essentielle du charisme qu’on peut légitimement attribuer à Hitler. Mais, chez le dictateur, ce culte de la volonté ou cette foi volontariste n’excluait nullement les appels à « la Providence », qui lui permettaient de se présenter comme chargé d’une mission divine. Hitler faisait souvent en effet des déclarations du type : « J’estime avoir été appelé par la Providence[92]. » Hitler commence et termine ainsi son discours au Reichstag du 28 avril 1939 – où il répond longuement à un télégramme du Président Roosevelt –, par une invocation de « la Providence » de facture messianique : « Mes sentiments les plus profonds, je ne puis mieux les exprimer que sous la forme d’une humble action de grâces envers la Providence qui m’a appelé et aidé, moi, jadis soldat inconnu de la guerre, à devenir le Führer de mon peuple si vivement aimé. (…) Mon monde à moi, Monsieur Roosevelt, est celui dans lequel la Providence m’a placé et pour lequel j’ai donc mission de travailler[93]. »

Convictions idéologiques et style de pensée : comprendre le fanatisme

       Ces diverses considérations sont autant d’arguments justifiant qu’on soutienne la thèse selon laquelle l’histoire du nazisme ne saurait exclure l’histoire des idées, l’analyse des discours idéologiques ni celle des constructions doctrinales ou mythiques, saisies dans leur formation, leur évolution et leurs effets symboliques. C’est là refuser la facilité constituant à évacuer tout ce qui relève des intentions, des projets, des décisions personnelles des dirigeants du Troisième Reich, et reconnaître à la fois la centralité de l’antisémitisme dans l’espace idéologique du nazisme et le rôle majeur qu’a joué Hitler tant dans l’élaboration doctrinale que dans le processus de décision. Il s’agit de prendre au sérieux le fait qu’Hitler est, comme l’a noté Percy Schramm, « un homme qui raisonne constamment en termes historiques[94] », et pour qui l’histoire a un rôle essentiel à jouer dans l’action politique, ainsi qu’il l’affirme clairement dans le second tome (chap. II) de Mein Kampf : « On n’apprend pas l’histoire pour savoir ce que fut le passé ; on l’apprend pour qu’elle vous enseigne la conduite que l’on devra tenir dans l’avenir pour assurer l’existence de son propre peuple[95]. »

       D’une façon toute classique, Hitler suppose que l’histoire fournit de grands exemples à suivre : « L’histoire romaine (…) sera toujours le meilleur guide pour le temps présent et pour tous les temps. Nous devons conserver aussi dans toute sa beauté l’idéal grec de civilisation[96]. » Hitler ne variera guère dans son admiration pour la Grèce ancienne, ce qui laisse supposer qu’il avait subi l’imprégnation du « philhellénisme » allemand, lequel s’était clairement articulé avec l’antisémitisme au milieu du XIXe siècle. On en trouve des traces jusque dans ses « libres propos » des années de guerre, telle cette remarque faite dans la nuit du 25 au 26 janvier 1942 : « Si nous considérons les Grecs anciens (qui étaient des Germains), nous trouvons chez eux une beauté bien supérieure à la beauté répandue aujourd’hui – et j’entends cela aussi bien pour ce qui est du domaine de la pensée que pour celui des formes. Il suffit pour s’en rendre compte de comparer la tête de Zeus ou celle de Pallas Athéna avec celle d’un Croisé ou d’un Saint[97] ! » Hitler ne faisait là que réaffirmer la thèse – lointain écho du jeune Hegel – qu’il avait soutenue dans Mein Kampf : « Ce qui rend immortel l’idéal de beauté conçu par les Grecs, c’est la merveilleuse alliance de la plus splendide beauté physique avec l’éclat de l’esprit et la noblesse de l’âme[98]. »  Par son admiration pour l’Antiquité grecque et romaine, voire égyptienne, Hitler se démarquait d’un certain nombre de hauts dirigeants nazis, tel Himmler, qui faisaient du seul passé germanique l’objet de leur admiration[99].

       C’est un fait que, sous le Troisième Reich, qu’on peut décrire comme une idéocratie compte tenu du leadership doctrinal exercé par le Führer, s’est installée une polycratie idéologique, bien étudiée par Frank-Lothar Kroll dans son ouvrage paru en 1998, où il analyse ce qui distingue idéologiquement Hitler, Rosenberg, Himmler, Darré et Goebbels[100]. Mais Hitler n’était pas le chef d’un courant idéologique au sein du Troisième Reich, il ne se situait pas sur le même plan que les autres hauts dirigeants du régime. Il cumulait le pouvoir du dictateur et l’autorité du guide spirituel, et, en cela, transcendait l’espace idéologiquement hétérogène où coexistaient dans la tension et la concurrence différentes mouvances doctrinales.

       Par ailleurs, on trouve parmi les convictions idéologiques fondamentales du Führer une vision normative de la décision politique qui, au-delà de l’hyper-volontarisme qu’elle exprime, s’apparente à une conception magique de l’action politique, postulant la toute-puissance des idées-forces.  Le 23 mai 1939, Hitler déclare devant les dirigeants de la Wehrmacht : « Il ne faut pas prendre pour principe d’échapper à la solution des problèmes en s’adaptant aux circonstances. Il s’agit au contraire d’adapter les circonstances aux exigences[101]. » Créer la réalité historique : n’était-ce pas l’objet du désir profond d’Hitler, révélé par les réaffirmations successives de la « prophétie » menaçante qui,  lancée à Berlin devant le  Reichstag le 30 janvier 1939[102], était destinée à se réaliser, à partir de l’été et de l’automne 1941, sous la forme d’une guerre génocidaire contre les Juifs ?

      Si pour Hitler l’on peut et l’on doit trouver des leçons dans l’Histoire, il ne s’agit donc en aucune manière pour lui de sacraliser cette dernière. C’est la Nature que, dès Mein Kampf, le Führer sacralise. Alors que les marxistes érigeaient en lois suprêmes les prétendues lois de l’Histoire, le raciste Hitler voue un culte à ce qu’il appelle les lois de la Nature, telle qu’il les comprend sur la base de quelques idées-forces (lutte pour l’existence et plus précisément pour la survie, évitement des mélanges entre espèces et/ou races différentes, etc.). On ne saurait étudier le national-socialisme sans  supposer qu’il y a une doctrine hitlérienne, ni poser qu’il faut en reconnaître l’importance dans l’histoire du nazisme. Il faut donc en analyser les origines intellectuelles et politiques ainsi que l’évolution au cours des années 1920-1945.

       Pour ce faire, il paraît logique de partir du texte fondateur qu’est Mein Kampf,  le seul ouvrage publié par Hitler de son vivant. Ce document unique, où le futur dictateur construit sa figure historique et expose sa « vision du monde », devenu l’un des best-sellers internationaux du XXe siècle, il s’agit de le lire dans une perspective à la fois historique et critique. Raul Hilberg, l’historien qui a décrit avec le plus d’exactitude et de minutie les mécanismes de l’extermination industrielle mise en œuvre par le Troisième Reich, a rappelé une évidence souvent oubliée par ses collègues : « J’ai toujours été conscient que les exécuteurs, les victimes et les spectateurs étaient des êtres pensants[103]. » Hitler fut aussi un être pensant, et ce, quoi qu’il ait pu faire. « L’inspirateur fanatique[104] » du génocide des Juifs fut un être pensant, imaginant, voulant, décidant, comme tout homme ordinaire. En dépit de sa « démonie » (Dämonie), de sa supposée « satanie ». Voilà le fait à la fois banal et gênant qu’il faut prendre en compte, un fait redoutable qui donne plus à penser que la description des structures et des fonctions, des processus et des fonctionnements.

      Dans son livre pionnier de 1964, The Crisis of German Ideology, George L. Mosse s’est efforcé de faire l’archéologie des thèmes doctrinaux du nazisme, qu’il abordait dans le cadre d’une histoire intellectuelle de l’Allemagne moderne. En 1997, dans sa préface à la réédition de son étude historique, stimulante et discutable, Mosse en exposait la visée centrale : « Ce livre tente d’analyser l’histoire de la pensée völkisch et de définir ainsi la révolution allemande d’Adolf Hitler. (…) Le national-socialisme fut un mouvement völkisch[105]. » Que le national-socialisme ait été, au moins au cours des années 1920-1932, un mouvement völkisch parmi d’autres, en dépit des dénégations d’Hitler dans Mein Kampf, c’est en un sens l’évidence même. Mais le nazisme, mouvement politique dont le projet politique s’est très vite défini par rapport à la prise du pouvoir, ne saurait se réduire à un courant du nationalisme völkisch ou à un rejeton du pangermanisme. Il n’a pas été simplement un héritier des mouvements politico-intellectuels qui lui ont frayé la voie.  En outre, si l’opinion allemande, imprégnée d’antisémitisme, a bien suivi et globalement soutenu la politique antijuive du Troisième Reich, il faut reconnaître avec Richard Breitman, dans son beau livre de 1998, Official Secrets, que « le caractère radical de leur hostilité envers les Juifs et l’envergure de leur conception raciale distinguaient les dirigeants nazis des Allemands qui, dans leur grande majorité, étaient antisémites[106] ».

       Dans un article paru en 2007, où il analyse notamment l’influence nazie sur la formation de la judéophobie arabo-musulmane à partir des années 1930, Richard Breitman fournit un critère de la « radicalité en matière d’antisémitisme : « Ce que tous les antisémites radicaux ont en commun est une vision paranoïaque et conspirationniste des Juifs et, plus largement, du monde lui-même[107]. » Mais les antijuifs radicaux doivent encore avancer une justification de leur conviction absolue, en faisant appel à une source puissante d’autorité symbolique, qu’elle relève de la tradition, de la « magie » (ou du « mythe) ou de la rationalité techno-scientifique. Leurs raisons de croire ce qu’ils croient,  ils peuvent ainsi les trouver soit dans des textes religieux, soit dans des visions sécularisées ou dans des constructions supposées « scientifiques », ou bien encore dans un mélange quelconque de légitimations théologico-religieuses et de légitimations « scientifiques ». Comme le note encore Breitman, « une fois que de telles visions sont implantées, elles tendent à persister, se transmettant à travers les générations, pour devenir une partie d’une culture ou d’une sous-culture[108] ». Dans ses travaux sur Hitler, le psychanalyste Erik H. Erikson a mis en rapport la propagation de « l’antisémitisme paranoïde » avec des contextes marqués par la montée d’une « anxiété collective[109] ».

       Ces visions antijuives ont des vecteurs symboliques privilégiés, tel le plus célèbre des faux antijuifs, les Protocoles des Sages de Sion, principal véhicule textuel, depuis le début du XXe siècle, du mythe de la conspiration juive mondiale[110]. L’un des mérites de Konrad Heiden est d’avoir attiré l’attention des milieux antinazis, dès les années 1930, sur le rôle joué par la lecture des Protocoles en Allemagne au cours des années de formation du mouvement nazi, en insistant tout particulièrement sur l’importance de cette lecture pour Hitler[111], au moment où celui-ci élaborait sa vision de l’ennemi absolu : le bolchevique en tant que Juif (1920-1923). Le type de lecture qu’on fait de ce document fabriqué par des faussaires constitue lui-même un critère d’extrémisme ou de radicalité en matière de judéophobie. On peut identifier comme antisémites radicaux ceux qui croient que les Protocoles constituent un document juif authentique dont le mérite est de révéler les « secrets » les mieux cachés des Juifs ou de dévoiler leur plan machiavélique de domination du monde.  On peut faire l’hypothèse que les antisémites radicaux se reconnaissent tout autant au rapport de disciple à maître qu’ils entretiennent avec Hitler, et qu’ils lisent Mein Kampf comme un catéchisme, où ils retrouvent à maintes reprises la thèse de la conspiration juive mondiale. En ce sens, le néo-nazisme, phénomène propre à l’après-guerre, fait bien partie de l’histoire du nazisme[112].

       Dès lors, il n’est guère de pire aveuglement sur le phénomène nazi que celui qui frappe les historiens prétendant l’étudier en faisant abstraction du rôle déterminant joué dans son évolution par le dictateur-idéologue que fut Hitler et par ses productions doctrinales[113]. À cet égard, on ne peut que saluer la lucidité et le courage intellectuel d’historiens comme Eberhard Jäckel ou Saul Friedländer[114], qui ont su résister à l’attrait des modes intellectuelles.

     En 1995, dans Le Passé d’une illusion, François Furet rappelle brièvement en quoi une historiographie du nazisme qui ferait l’impasse  sur l’idéologie hitlérienne ne pourrait qu’aboutir à une impasse :

      « Pour tenter de saisir ce qui a fabriqué Hitler, l’étude de la fascination exercée sur les passions par les idées est un guide plus sûr que l’analyse des intérêts. (…) Il y a peu d’exemple d’une action historique aussi programmée par l’idéologie, du début à la fin. (…) De même que Hitler ne serait pas devenu maître de l’Allemagne s’il n’y avait pas eu l’idéologie hitlérienne, de même Hitler devenu maître de l’Allemagne est resté l’idéologue Hitler, où l’extermination des Juifs trouve sa source précoce[115]. »

       Le 22 mai 1933, choqué par la méconnaissance de la doctrine hitlérienne par les Français, Romain Rolland écrivait à son ami Jean Guéhenno :« Je ne vois pas qu’on ait publié dans les revues françaises un article de fond sur Mein Kampf de Hitler. (…) Ce serait cependant essentiel. On l’ignore trop, ou on ne l’a lu que superficiellement. (…) Il est indispensable de le connaître et de le faire connaître à fond. Il ne cache rien, il livre tout ; ses idées fixes, sa foi d’airain, sa logique de fou, sa frénésie, son infantilisme de cerveau, son poing de géant. Et comme c’est la France qui est visée, d’un bout à l’autre, et sans feinte – avec le judaïsme et son produit (c’est lui parle) le bolchevisme –, on doit en France ne rien ignorer du “monstre”[116]. »

       Il s’agissait, pour l’antifasciste Rolland, de lutter le plus efficacement possible, en connaissance de cause, contre la menace hitlérienne. Une telle exigence était également celle d’un Bernard Lecache, le président de la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA), fondée en février 1929[117]. Elle impliquait de favoriser la connaissance de la doctrine hitlérienne, et, partant, de permettre au lecteur français de lire un texte tel que Mein Kampf, traduit en 1934 chez Sorlot[118]. Aux États-Unis, le grand critique qu’est Kenneth Burke comprend l’importance de la dimension idéologique et rhétorique du nazisme, et contribue à sa connaissance en publiant, à l’été 1939, une étude pénétrante consacrée à « la rhétorique du Combat de Hitler[119] ». Bien connaître l’ennemi, alors, c’était se mettre en position de pouvoir le combattre intellectuellement.   

       Dans un contexte tout autre, où prévaut le désir d’expliquer et de comprendre – dont témoigne la publication du monument d’érudition intelligente qu’est la récente édition critique de Mein Kampf en Allemagne[120] –, l’ouvrage d’Anne Quinchon-Caudal reprend à son compte cette exigence de connaissance, en élargissant l’espace des objets idéologiques, car Hitler ne fut pas le seul à les élaborer[121].  Rien mieux que l’étude du nazisme ne justifie cette remarque de Jäckel : « Tout ce qui a eu des conséquences historiques doit être analysé et compris objectivement, peut-être même plus encore lorsqu’il s’agit de ce qui est absolument répugnant. C’est cela qui est et demeure la tâche de la recherche historique[122]. »

Pierre-André Taguieff

Postface (revue et corrigée) à : Anne Quinchon-Caudal, Hitler et les races. L’anthropologie nationale-socialiste, Paris, Berg International, 2013, pp. 245-268.  Ce texte est ici publié avec l’autorisation de l’auteur.  

Notes :

[1] Jeffrey Herf, « The “Jewish War” : Goebbels and the Antisemitic Campaigns of the Nazi Propaganda Ministry », Holocaust and Genocide Studies, 19 (1), printemps 2005, pp. 51-80 ; id., L’Ennemi juif. La propagande nazie, 1939-1945 [2006], tr. fr. Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2011.

[2] Saul Friedländer, L’Allemagne nazie et les Juifs. 1. Les années de persécution 1933-1939 [1997], tr. fr. Marie-France de Paloméra, Paris, Le Seuil, 1997, pp. 96-112.

[3] Hitler, Mein Kampf [1925 et 1927], tr. fr. Jean Gaudefroy-Demombynes & André Calmettes, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1934, p. 72.

[4] Eric Voegelin, Les Religions politiques [1938], tr. fr. Jacob Schmutz, Paris, Les Éditions du Cerf, 1994.

[5] Raymond Aron, « L’avenir des religions séculières », La France libre, juillet et août 1944 ;  repris dans L’Âge des empires et l’avenir de la France, Paris, Éditions Défense de la France, 1945, pp. 287-318. Pour une problématisation récente, voir Philippe Burrin, « Political Religion : The Relevance of a Concept », History and Memory, vol. 9, n° 1-2, automne 1997, pp. 321-349 ;  id., « Religion civile, religion politique, religion séculière », in Berthold Unfried und Christine Schindler (Hg.), Riten, Mythen und Symbole - Die Arbeiterbewegung zwischen « Zivilreligion » und Volkskultur, Vienne, Akademische Verlagsanstalt, 1999, pp. 17-29. 

[6] Mais aussi du fascisme italien : Emilio Gentile, La Religion fasciste. La sacralisation de la politique dans l’Italie fasciste [1993], tr. fr. Julien Gayrard, Paris, Perrin, 2002, pp. 305-352 (postface à l’édition française) ; id., Les Religions de la politique. Entre démocraties et totalitarismes [2001], tr. fr. Anna Colao, Paris, le Seuil, 2005.

[7] Bodenheim bei Mainz, Philo Verlagsgesellschaft, 1997.

[8] Robert A. Pois, La Religion de la nature et le national-socialisme [1986], tr. fr. Bernard  Frumer & Jennifer Merchant, Paris, Les Éditions du Cerf, 1993.

[9] David Redles, Hitler’s Millennial Reich : Apocalyptic Belief and the Search for Salvation, New York & Londres, New York University Press, 2005.

[10] Claus-Ekkehard Bärsch, Die politische Religion des Nationalsozialismus. Die religiösen Dimensionen der NS-Ideologie in den Schriften von Dietrich Eckart, Joseph Goebbels, Alfred Rosenberg und Adolf Hitler [1998], 2e éd., Munich, Wilhelm Fink Verlag, 2002 ; id., « The Religious Dimension in the Works of Dietrich Eckart, Joseph Goebbels, Alfred Rosenberg and Adolf Hitler », in Glen Hughes, Stephen A. McKnight & Geoffrey L. Price (eds.), Politics, Order and History : Essays on the Work of Eric Voegelin, Londres & New York, Bloomsbury Publishing, 2001, pp. 104-124.    

[11] Richard Steigmann-Gall, The Holy Reich : Nazi Conceptions of Christianity, 1919-1945, Cambridge (UK) & New York, Cambridge University Press, 2003.

[12] Karla O. Poewe, New Religions and the Nazis, New York & Londres, Routledge, 2006. 

[13] Louis Dupeux, National-Bolchevisme. Stratégie communiste et dynamique conservatrice, Paris, Honoré Champion, 1979, 2 vol. ; Aspects du fondamentalisme national en Allemagne de 1890 à 1945 et essais complémentaires, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001 ; (dir.), La « Révolution conservatrice » dans l’Allemagne de Weimar, Paris, Kimé, 1992.

[14] Denis Goeldel, Moeller van den Bruck (1876-1925). Un nationaliste contre la révolution. Contribution à l’étude de la « Révolution conservatrice » et du conservatisme allemand au XXe siècle, Francfort/M. & New York, Verlag Peter Lang, 1984.

[15] Gilbert Merlio, Oswald Spengler. Témoin de son temps, Stuttgart, Verlag Hans-Dieter Heinz, 1982.

[16] Marc Cluet, L’Architecture du IIIe Reich. Origines intellectuelles et visées idéologiques, Berne, Peter Lang, 1987 ; (dir.), Le Culte de la jeunesse et de l’enfance en Allemagne 1870-1933, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003.

[17] Un exception notable est représentée par Stefan Breuer, auteur, notamment, de deux ouvrages importants : Anatomie de la Révolution conservatrice [1993], tr. fr. Olivier Mannoni, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1996 ; Ordnungen der Ungleichheit – die deutsche Rechte im Widerstreit ihrer Ideen 1871-1945, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2001.

[18] Trois livres importants ont été publiés sur la question en langue française : Saul Friedländer, L’Antisémitisme nazi. Histoire d’une psychose collective, Paris, Le Seuil, 1971 ; Philippe Burrin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide, Paris, Le Seuil, 1989 ; id., Ressentiment et apocalypse. Essai sur l’antisémitisme nazi, Paris, Le Seuil, 2004.

[19] Der Nordische Gedanke in Deutschland 1920-1940, Stuttgart, Ernst Klee, 1971.

[20] Health, Race and German Politics Between National Unification and Nazism, 1870-1945, Cambridge, Cambridge University Press, 1989. Une traduction partielle de cet ouvrage a été publié sous le titre : L’Hygiène de la race, t. I. Hygiène raciale et eugénisme médical en Allemagne, 1870-1933 (tr. fr. Bernard Frumer, Paris, La Découverte, 1998), comportant une substantielle préface de Benoît Massin (pp. 5-66).

[21] Peter Weingart, Jürgen Kroll und Kurt Bayertz, Rasse, Blut und Gene. Geschichte der Eugenik und Rassenhygiene in Deutschland, Francfort/M., Suhrkamp, 1988.

[22] Racial Hygiene : Medicine under the Nazis, Cambridge, Mass., & Londres, Harvard University Press, 1988.

[23] The Nazi Connection : Eugenics, American Racism, and German National Socialism, New York & Oxford, Oxford University Press, 1994 ; Der Internationale der Rassisten. Aufstieg und Niedergang der internationalen Bewegung für Eugenik und Rassenhygiene im 20. Jahrhundert, Francfort/M. & New York, Campus Verlag, 1997.

[24] Zur Geschichte der Rassenhygiene. Wege ins Dritte Reich, Stuttgart & New York,  Georg Thieme Verlag, 1988 ; Sozialdarwinismus, Rassismus, Antisemitismus und völkischer Gedanke. Wege ins Dritte Reich, vol. 2, Stuttgart & New York, Georg Thieme Verlag, 1990.

[25] From Racism to Genocide : Anthropology in the Third Reich, Urbana & Chicago, University of Illinois Press, 2004.

[26] Race and the Third Reich : Linguistics, Racial Anthropology and Genetics in the Dialectic of Volk, Cambridge (UK), Polity Press, 2005.

[27] Geschichte der biologischen Anthropologie in Deutschland. Von den Anfängen bis in die Nachkriegszeit, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2005.

[28] Hitler’s Ethic : The Nazi Pursuit of Evolutionary Progress, New York, Palgrave Macmillan, 2009.

[29] Paris, Hachette, 1995.

[30] Voir aussi Benoît Massin, « Anthropologie raciale et national-socialisme : heurs et malheurs du paradigme de la “race” », in Josiane Olff-Nathan (dir.), La Science sous le Troisième Reich. Victime ou alliée du nazisme ?, Paris, Le Seuil, 1993, pp. 197-262 ; « Anthropologie und Humangenetik im Nationalsozialismus oder : Wie schreiben deutsche Wissenschaftler ihre eigene Wissenschaftsgeschichte ? », in Heidrun Kaupen-Haas & Christian Saller (Hrsg.), Wissenschaftlicher Rassismus. Analysen einer Kontinuität in den Human- und Naturwissenschaften, Francfort/M., Campus Verlag, 1999, pp. 12-64

[31] C’est le travers dans lequel tombe Zeev Sternhell, en tant qu’historien des idées politiques, dans La Droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris, Le Seuil, 1978.  

[32] Voir Larry V. Thompson, « Lebensborn and the Eugenics Policy of the Reichsführer SS », Central European History, IV, 1971, pp. 57-71 ; Georg Lilienthal, Der « Lebensborn e.V. ». Ein Instrument nationalsozialistischer Rassenpolitik, Stuttgart & New York, Gustav Fischer Verlag, 1985 ; rééd., Francfort/Main, Fischer Taschenbuch Verlag, 1993 ; 2e éd. augmentée, 2003 : Catrine Clay and Michael Leapman, Master Race : The Lebensborn Experiment in Nazi Germany, Londres, Hodder & Stoughton, 1995 ; Peter Longerich, Himmler [2008], tr. fr. Raymond Clarinard, Paris, Perrin, 2013, t. I, pp. 521-522. L’association Lebensborn existait depuis décembre 1935, mais Himmler n’annonça officiellement sa création à tous les officiers de la SS que le 13 septembre 1936.

[33] Voir Eric Voegelin, Race et État [1933], tr. fr. Sylvie Courtine-Denamy, avec une étude préliminaire de Pierre-André Taguieff, Paris, Vrin, 2007, pp. 327-338 (et, dans cet ouvrage, mes analyses sur la question du « nordicisme », pp. 77-88).

[34] Hans-Jürgen Lutzhöft, Der Nordische Gedanke in Deutschland 1920-1940, op. cit. (1971) ; Liliane Crips, « Hans F. K. Günther (1891-1968), un idéologue du “nordisme” », Sexe et Race, Paris, CERG, Université Paris 7, t. VI, 1992, pp. 79-100 ; Anne Quinchon-Caudal, articles « Günther Hans Friedrich Karl, 1891-1968 », « Nordicisme » et « Nordique », in P.-A. Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, Paris, PUF, 2013.

[35] Pour une synthèse, voir Anne Quichon-Caudal, Vers une Internationale blonde, préface de P.-A. Taguieff, Paris, Les Études du Crif, n° 36, juillet 2015.

[36] Pour une vue d’ensemble, voir Peter Weingart, « German Eugenics Between Science and Politics », Osiris, 2nd series, vol. 5, 1989, pp. 260-282 ; Sheila Faith Weiss, « The Race Hygiene Movement in Germany 1904-1945 », in Mark B. Adams (ed.), The Wellborn Science : Eugenics in Germany, France, Brazil, and Russia, New York & Oxford, Oxford University Press, 1990, pp. 8-68.

[37] Voir Liliane Crips, « Les avatars d’une utopie scientiste en Allemagne : Eugen Fischer (1874-1967) et l’“hygiène raciale” », Le Mouvement social, n° 163, avril-juin 1993, pp. 7-23 ; Niels C. Lösch, Rasse als Konstrukt : Leben und Werk Eugen Fischers, Francfort/M., Peter Lang, 1997.   

[38] Peter Weingart, Doppel-Leben. Ludwig Ferdinand Clauss : Zwischen Rassenforschung und Widerstand, Francfort/M. & New York, Campus Verlag, 1995 ; Anne Quinchon-Caudal, « Clauss Ludwig Ferdinand, 1892-1974 », in P.-A. Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, op. cit.

[39] Voir aussi Anne Quinchon-Caudal, « Dinter Artur, 1876-1948», in P.-A. Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, op. cit.

[40] Édouard Conte & Cornelia Essner, La Quête de la race. Une anthropologie du nazisme, Paris, Hachette, 1995, pp. 123 sq., 350 sq.

[41] Hitler, Mein Kampf, op. cit., p. 325.

[42] Ibid., p. 558.

[43] Voir Anne Quinchon-Caudal, « Sang et nazisme », in P.-A. Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, op. cit.

[44] Voir Reginald H. Phelps, « Theodor Fritsch und der Antisemitismus », Deutsche Rundschau, 87, 1961, pp. 442-449 ; Jean Favrat, « Theodor Fritsch et la conception “völkisch” de la propagande », in Louis Dupeux (dir.), La « Révolution conservatrice » dans l’Allemagne de Weimar, op. cit. (1992), p. 349-359 ; Massimo Ferrari Zumbini, Die Wurzeln des Bösen. Gründerjahre des Antisemitismus : Von der Bismarckzeit zu Hitler [2001], Francfort/M., Vittorio Klostermann, 2003, pp. 321-422 ; David Luhrssen, Hammer of the Gods : The Thule Society and the Birth of Nazism, Washington, D. C., Potomac Books, 2012, pp. 62-66 ; Serge Tabary, Theodor Fritsch (1852-1933). Le « Vieux Maître » de l’antisémitisme allemand et la diffusion de l’idée « völkisch », thèse de doctorat N. R., université de Strasbourg III, 1998, 2 vol. 

[45] Dans son livre qui fait autorité sur la jeunesse de Hitler, Brigitte Hamann ne mentionne pas une quelconque influence de Fritsch (La Vienne d’Hitler. Les années d’apprentissage d’un dictateur [1996], tr. fr. Jean-Marie Argelès, Paris, Éditions des Syrtes, 2001).

[46] Cité par Richard J. Evans, Le Troisième Reich, vol. I : L’Avènement [2003], tr. fr. Barbara Hochstedt, Paris, Flammarion, 2009, p. 277.

[47] Serge Tabary, «  Fritsch Theodor, 1852-1933 »,  in Pierre-André Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, Paris, PUF, 2013.

[48] Cité par Anne Quinchon-Caudal à la fin de son livre.

[49] Theodor Fritsch, Antisemiten-Katechismus, Leipzig, Verlag von Hermann Beyer, 1893, pp. 358-360 ; traduit en anglais dans Paul W. Massing, Rehearsal for Destruction : A Study of Political Anti-Semitism in Imperial Germany, New York, Harper & Brothers, 1949, pp. 306-307.

[50] Theodor Fritsch, op. cit., p. 359. Voir Paul W. Massing, Rehearsal for Destruction, op. cit., p. 306 ; Lucy S. Dawidowicz, , La Guerre contre les Juifs 1933-1945 [1975], tr. fr. Gilles Garnet,  Paris, Hachette, 1977,  p. 112.

[51] Lucy Dawidowicz, op. cit., pp. 111-120 ; Saul Friedländer, L’Allemagne nazie et les Juifs. 1. Les années de persécution 1933-1939, op. cit. (1997), pp. 153-179 ; Richard J. Evans, Le Troisième Reich, vol. II : 1933-1939 [2005], tr. fr. Barbara Hochstedt et Paul Chemla, Paris, Flammarion, 2009, pp. 613 sq. 

[52] Texte figurant sur un tract édité par le Bureau de politique raciale du NSDAP (Baden-Baden), cité in Will Vesper, Biologie für höhere Schulen, vol. 3, 2e éd., 1943, tableau 21 ; cité par Cornelia Schmitz-Berning, Vokabular des Nationalsozialismus, Berlin, Walter de Gruyter, 2007, p. 16 ;  cité et traduit in Gianantonio Valli, La Race selon le national-socialisme. Théorie anthropologique et pratique juridique [2010], tr. fr. Thomas Manfredi, postface de Gaëtan Audenarde, Milan, Pierre Marteau, 2014, pp. 124-125.

[53] Franz Neumann, Béhémoth. Structure et pratique du national-socialisme 1933-1944 [2e éd., 1944], tr. fr. Gilles Dauvé, avec la coll. de Jean-Louis Boireau  Paris, Payot, 1987, p. 51.

[54] Ibid.

[55] Ibid., p. 52.

[56] Ibid., pp. 53-54.

[57] Ibid., p. 11.

[58] Frank-Lothar Kroll, Utopie als Ideologie. Geschichtsdenken und politisches Handeln im Dritten Reich. Hitler-Rosenberg-Darre-Himmler-Goebbels, Paderborn, Schoningh, 1998.

[59] Rainer Zitelmann, Hitler. Selbstverständnis eines Revolutionärs [1987], 4e éd. augmentée, Munich, F. A. Herbig, 1998 ; translated by Helmut Bogler : Hitler : The Policies of Seduction, Londres, London House, 1999. Du même auteur, voir aussi : Adolf Hitler. Eine politische Biographie, Göttingen & Zurich, Muster-Schmidt Verlag, 1989 ; 3e éd. revue, 1990.

[60] Werner Maser, Mein Kampf d’Adolf Hitler [1966], tr. fr. André Vandevoorde, Paris, Plon, 1968 ; Eberhard Jäckel, Hitler idéologue [1969], tr. fr. Jacques Chavy, Paris, Calmann-Lévy, 1973 ; Christian Zentner, Adolf Hitlers Mein Kampf. Eine kommentierte Auswahl [1974], 8e éd., Munich & Leipzig, Paul List Verlag,  1992 ; Barbara Zehnpfennig, Hitlers Mein Kampf. Eine Interpretation, Munich, Wilhelm Fink Verlag, 2000 ; 3e éd., 2006.

[61] Otto Dietrich, Die geistigen Grundlagen des neuen Europas, Berlin, Zentralverlag der NSDAP, Franz Eher Nachf., 1941, p. 19. Homme de confiance et confident du Führer, Otto Dietrich (1897-1952) fut secrétaire d’État au ministère de la Propagande et chef du service de presse du  Reich. Voir aussi Otto Dietrich, Die philosophischen Grundlagen des Nationalsozialismus, Breslau, F. Hirt, 1935 ; id., Hitler démasqué [1952 ; posthume], tr. fr. Paul Stéphano, Paris, Bernard Grasset, 1955.

[62] George L. Mosse, Les Racines intellectuelles du Troisième Reich. La crise de l’idéologie allemande [1964, 1998], tr. fr. Claire Darmon, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2006 ; id., Nazi Culture : Intellectual, Cultural and Social Life in the Third Reich, tr. angl. des textes reproduits par Salvator Attanasio et al., New York, Grosset & Dunlap, 1966 ; rééd., New York, Schocken Books, 1981.

[63] Walter Laqueur, « The Roots of Nazism », The New York Review of Books, 14 janvier 1965, p. 37.

[64] Adolf Hitler, Hitlers Zweites Buch. Ein Dokument aus dem Jahr 1928, eingeleitet und kommentiert von Gerhard L. Weinberg, mit einem Geleitwort von Hans Rothfels, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1961 [le « Deuxième livre » resté à l’état d’ébauche] ; Der umstrittene Text zum nachlesen (zip-gepacktes PDF) ; id., L’Expansion du IIIe Reich, tr. fr. Francis Brière, Paris, Plon, 1963 (tr. fr., souvent défectueuse, du « Deuxième Livre »).

[65] Robert G. L. Waite, The Psychopathic God : Adolf Hitler, New York, Basic Books, 1977. 

[66] Konrad Heiden, Histoire du national-socialisme 1919-1934 [1932 ; 2e éd., 1933], tr. fr. Armand Pierhal, préface de Julien Benda, Paris, Librairie Stock, 1934 ; id., Adolf Hitler, Zurich, Europa-Verlag, 1936 ; tr. fr. Armand Pierhal : Adolf Hitler. Une biographie, Paris, Bernard Grasset, 1937.

[67] Alan Bullock, Hitler : A Study in Tyranny, Londres, Odhams, 1952.

[68] Alan Bullock, Hitler : A Study in Tyranny, Revised Edition, New York, Konecky & Konecky, 1962 ; rééd., Londres, Penguin, 2005.

[69] Peter Reichel, La Fascination du nazisme [1991], tr. fr. Olivier Mannoni, Paris, Odile Jacob, 1993.

[70] Oded Heilbronner, « The Role of Nazi Antisemitism in the Nazi Party’s Activity and Propaganda : A Regional Historiographical Study », The Leo Baeck Institute Yearbook, 35 (1), 1990, pp. 397-439 ; David Bankier, The Germans and the Final Solution : Public Opinions under Nazism [1992], nouvelle éd., Oxford (UK), Wiley-Blackwell, 1996 ; Christopher R. Browning, Les Origines de la solution finale. L’évolution de la politique antijuive des nazis, septembre 1939-mars 1942 [2004], tr. fr. Jacqueline Carnaud & Bernard Frumer, Paris, Les Belles Lettres, 2007.

[71] Hans Mommsen, Le National-socialisme et la société allemande. Dix essais d’histoire sociale et politique, tr. fr. Françoise Laroche, préface par Henry Rousso, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997, pp. 199-200.

[72] Joachim C. Fest, Hitler. I. Jeunesse et conquête du pouvoir 1889-1933 [1973], tr. fr. Guy Fritsch-Estrangin et al., Paris, Gallimard, 1973, p. 375 ; id., Hitler. Eine Biographie [1973], 10e éd., Berlin, Ullstein, 2008, p. 456.

[73] Ibid.

[74] Joseph Peter Stern, Hitler. Le Führer et le peuple [1975, 1984], tr. fr. Suzanne Lorme, préface de Pierre Ayçoberry, Paris, Flammarion, 1985.

[75] Gottfried Feder, Der Deutsche Staat auf nationaler und sozialer Grundlage, 16e et 17e éd., Munich, Franz Eher Nachf., 1933 ; cité par Edmond Vermeil, Doctrinaires de la révolution allemande, 1918-1938, Paris, Sorlot, 1938 ;  nouvelle édition, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1948, p. 270.

[76] Voir par exemple Aurel Kolnai, The War Against the West, New York, The Viking Press, 1938, pp. 151-152 ; Roger Caillois, « Le pouvoir charismatique » (1951), in R. Caillois, Instincts et société. Essais de sociologie contemporaine, Paris, Éditions Gonthier, 1964, p. 158.

[77] Elisabeth Förster-Nietzsche, citée par Harry Graf Kessler, Tagebücher 1918-1937, Francfort/M., Insel Verlag, 1961, p. 681.

[78] Joachim C. Fest, Hitler. I, op. cit. (1973), p. 393 ; id., Hitler, op. cit. (2008), p. 479.

[79] Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue [1946, 1975], tr. fr. Élisabeth Guillot, Paris, Albin Michel, 1996.

[80] Henry Friedlander, The Origins of Nazi Genocide : From Euthanasia to the Final Solution, Chapel Hill & Londres, The University of North Carolina Press, 1995 ; tr. fr. Pierre-Emmanuel Dauzat : Les Origines de la Shoah. De l’euthanasie à la solution finale, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2015. 

[81] Walter Laqueur, Le Terrifiant secret. La « solution finale » et l’information étouffée [1980], tr. fr. Antoinette Roubichou-Stretz, Paris, Gallimard, 1981.

[82] Jean Pierre Faye, Le Langage meurtrier, Paris, Hermann, 1996.

[83] Berel Lang, Act and Idea in the Nazi Genocide, Chicago, The University of Chicago Press, 1990 ; 2e éd. augmentée, Syracuse, NY, Syracuse University Press, 2003.

[84] Karl Dietrich Bracher, « The Role of Hitler : Perspectives of Interpretation », in Walter Laqueur (ed.), Fascism : A Reader’s Guide : Analyses, Interpretations, Bibliography [1976], Harmondsworth, Penguin, 1978 ; réimpression, Scolar Press, 1991, pp. 211-225. Bracher est l’auteur d’un ouvrage soulignant l’importance de l’idéologie dans l’histoire du vingtième siècle : Zeit der Ideologien. Eine Geschichte politischen Denkens im 20. Jahrhundert, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1982.

[85] Jeffrey Herf, « The “Jewish War” : Goebbels and the Antisemitic Campaigns of the Nazi Propaganda Ministry », art. cit. (2005), p. 56.

[86] George L. Mosse, Les Racines intellectuelles du Troisième Reich, op. cit. (2006), p. 357.

[87] Ian Kershaw, Hitler 1936-1945 : Némésis [2000], tr. fr. Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Flammarion, 2000 ; tr. fr. revue, 2001, pp. 747-748 (l’expression est de Werner Wilikens, secrétaire d’État au ministère prussien de l’Agriculture, Berlin, 21 février 1934).

[88] Voir  Édouard Husson, Heydrich et la solution finale, préface de Ian Kershaw, postface de Jean-Paul Bled, Paris, Perrin, 2008. Dans sa préface, Ian Kershaw note que, derrière Heydrich et Himmler, « on voit ressortir (…) la force motrice du processus génocidaire : le rôle de Hitler lui-même, sans qui rien ne se serait passé » (op. cit., p. 10).

[89] Richard Breitman, Himmler et la Solution finale. L’architecte du génocide [1991], tr. fr. Claire Darmon, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2009.

[90] Ernst Nolte, La Guerre civile européenne 1917-1945. National-socialisme et bolchevisme [1987 ; 5e éd. revue et augmentée, 1997], tr. fr. Jean-Marie Argelès, préface de Stéphane Courtois, Paris, Éditions des Syrtes, 2000, p. 46.

[91] Ibid., p. 47.

[92] Hitler, cité par Jean-Pierre Sironneau, Sécularisation et religions politiques, La Haye, Mouton, 1982, p. 326.

[93] Hitler, Discours prononcé par le Führer-Chancelier au Reichstag le 28 avril 1939, Berlin, M. Müller & Fils, 1939, pp. 3-4, 63.

[94] Percy Schramm, introduction à : Henry Picker (Hrsg.), Hitlers Tischgespräche im Führerhauptquartier 1941-1942, Stuttgart, Seewald Verlag,  1963 ; 2e éd., 1965, p. 72.

[95] Hitler, Mein Kampf, op. cit. (1934), p. 420. 

[96] Ibid., p. 421.

[97] Hitler, in Henry Picker (Hrsg.), Hitlers Tischgespräche im Führerhauptquartier 1941-1942, op. cit., p. 166 ; Libres propos sur la guerre et la paix, recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, version française de François Genoud, préface de Robert d’Harcourt, Paris, Flammarion, 1952,  p. 242.

[98] Hitler, Mein Kampf, op. cit., p. 407.

[99] Voir le remarquable ouvrage de Johann Chapoutot, Le National-socialisme et l’Antiquité, Paris, PUF, 2008.

[100] Frank-Lothar Kroll, Utopie als Ideologie. Geschichtsdenken und politisches Handeln im Dritten Reich. Hitler-Rosenberg-Darre-Himmler-Goebbels, Paderborn, Schoningh, 1998.

[101] Hitler, in Max Domarus (Hrsg.), Hitler. Reden und Proklamationen 1932-1945,  Munich, Suddeutscher Verlag, 1965, t. II, vol. I (1939-1940), p. 1197.

[102] Hitler, in Max Domarus (Hrsg.), Hitler : Reden und Proklamationen, 1932-1945, op. cit., p. 1058. Sur la « prophétie » du 30 janvier 1939 et ses réitérations durant les années de guerre, voir Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, op. cit., pp. 83 sq. ; Ian Kershaw, « Hitler’s Role in the “Final Solution” », Yad Vashem Studies, vol. 34, 2006, pp. 29 sq.

[103] Raul Hilberg, cité par Harald Welzer, Les Exécuteurs. Des hommes normaux aux meurtriers de masse [2005], tr. fr. Bernard Lortholary, Paris, Gallimard, 2007, p. 21.

[104] Édouard Husson, Heydrich et la solution finale, op. cit., p. 378.

[105] George L. Mosse, Les Racines intellectuelles du Troisième Reich, op. cit., p. 7.

[106] Richard Breitman, Secrets officiels. Ce que les nazis planifiaient, ce que les Britanniques et les Américains savaient [1998], tr. fr. Patricia Blot & Ariel Sion, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2005, p. 258.

[107] Id., « Muslim Anti-Semitism : Historical Background », Current Psychology, 26 (3-4), Special Issue, 2007, p. 213-222 ; http://www.schaler.net/Breitman.pdf.

[108] Ibid.

[109] Erik H. Erikson, « La légende de l’enfance de Hitler », in E. H. Erikson, Enfance et société, tr. fr. A. Cardinet, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1966, p. 234.

[110] Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d’un faux [1992], nouvelle édition, Berg International/Fayard, 2004.

[111] Konrad Heiden, Der Fuehrer : Hitler’ s Rise to Power, trad. améric. Ralph Manheim, Boston, Houghton Mifflin Company, 1944, pp. 1-18. 

[112] Robert S. Wistrich, Hitler’s Apocalypse : Jews and the Nazi Legacy, New York, St. Martin’s Press, 1985.

[113] On doit noter cependant que, dans l’historiographie d’inspiration fonctionnaliste, la dimension idéologique du nazisme a récemment été prise en compte d’une façon rigoureuse. Voir notamment l’ouvrage de Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive ». La technique, le temps et les catégories de la décision, Paris, Fayard, 2004, pp. 437-478. Il y a là une nouvelle preuve du « caractère dépassé de la vieille opposition entre “intentionnalisme” et “structuralisme” (ou “fonctionnalisme”) » (Ian Kershaw, préface à Édouard Husson, Heydrich…, op. cit., p. 10).

[114] Saul Friedländer, Réflexions sur le nazisme, entretiens avec Stéphane Bou, Paris, Le Seuil, 2016.

[115] François Furet, Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Robert Laffont/Calmann-Lévy, 1995, pp. 222 et 227.

[116] Lettre de Romain Rolland à Jean Guéhenno, 22 mai 1933, in L’Indépendance de l’esprit. Correspondance entre Jean Guéhenno et Romain Rolland 1919-1944, Paris, Cahiers Romain Rolland, n° 23, 1975, p. 270.

[117] Voir Emmanuel Debono, Aux origines de l’antiracisme. La LICA (1927-1940), Paris, CNRS Éditions, 2012, en partic. pp. 120-123.

[118] Voir Antoine Vitkine, Mein Kampf. Histoire d’un livre, Paris, Flammarion, 2009, pp. 115-130.

[119] Kenneth Burke, « The Rhetoric of Hitler’s “Battle” », The Southern Review, 5 (1), été 1939, pp. 1-21 ; repris in K. Burke, The Philosophy of Literary Form : Studies in Symbolic Action [1941], 3e éd. revue, Berkeley & Los Angeles, CA, University of California Press,  1973, pp. 191-220.

[120] Christian Hartmann, Thomas Vordermayer, Othmar Plöckinger & Roman Töppel (Hrsg.), Hitler, Mein Kampf. Eine kritische Edition, Munich & Berlin, Im Auftrag des Instituts für Zeitgeschichte, 2016, 2 vol.

[121] Voir Johann Chapoutot, La Loi du sang. Penser et agir en nazi, Paris, Gallimard, 2014.

[122] Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, op. cit., p. 174.