Après le procès contre « Charlie-Hebdo », libres propos et leçons évidentes

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Après le procès contre « Charlie-Hebdo », libres  propos  et  leçons  évidentes                                             

Le procès intenté à « Charlie-Hebdo » par la mosquée de Paris , l’UOIF et la Ligue Islamique Internationale – et qui a tourné à la confusion des plaignants .. mais attendons le jugement- est révélateur d’un certain nombre de confusions et de comportements sur lesquels il faut se pencher .

Noublions pas , tout d’abord , qu’il s’agissait pour les « islamistes associés » de mettre en cause la liberté d’expression à travers l’accusation de blasphème qui sous-tendait leur démarche, délit que notre pays a aboli définitivement ( on l’espère…) . En effet, en représentant par l’image un personnage historique qui n’est prophète que pour qui le reconnaît tel, en dénonçant par cette image l’intégrisme d’interprétation et l’utilisation criminelle du message supposé ( qui n’est message révélateur que pour qui le conçoit ainsi ), les journalistes et caricaturistes poursuivis par les foudres religieuses  n’avaient fait qu’user de cette liberté d’expression, corollaire de la liberté de conscience reconnue par l’article premier de la loi fondatrice de 1905 …Liberté d’expression qui suppose la mise au feu de l’observation raisonnée, de  l’analyse, de la critique, du jugement ,de la satire, de tous les sujets , de toutes les questions, de toutes les spiritualités et idéologies. Pas de limites au libre exercice de la Raison et de l’Examen, seule la loi générale élaborée par tous peut fixer les bornes des dérives dangereuses de la mise en cause individuelle ou collective à travers l’injure, la discrimination ou l’appel à la destruction …Une spiritualité, une croyance, une idéologie (et leurs représentations concrètes qui ne sont que symboles) ne peuvent relever de cette contrainte …On a peut-être oublié aujourd’hui qu’un personnage hirsute et effrayant serrant entre les dents un couteau sanguinolent a longtemps représenté caricaturalement une idéologie que l’Histoire a montrée totalitaire : s’inquiétait-on alors de « l’offense faite » à ceux qui croyaient en cette idéologie politique ( et qui  ont représenté jusqu’à plus du quart de l’électorat de notre pays) ? Non, et on avait raison !

L’une des confusions entretenues par les « islamistes associés » fut de vouloir faire croire que ces caricatures relevaient d’une « attaque raciste » …Il faut ici être clair et rappeler à chacun – y compris à beaucoup qui revendiquent la laïcité et la liberté d’expression qu’elle impose -  que le terme doit être impérativement rejeté quand il est question de « religion » (quelle qu’elle soit !) et d’idéologie, car l’employer sans rime ni raison ajoute à la confusion et fait dévier l’analyse tout en masquant les intentions des intégristes et autres zélateurs prosélytes …Attaquer l’islam de quelque manière que ce soit, c’est mettre en cause un dogme, ,une parole « révélée » qui ne l’est que pour celui qui la croit, des rites symboliques, des écrits humainement composés, des comportements éventuellement aberrants ou discriminatoires …mais ce n’est en aucun cas attaquer une « race » ou une « ethnie » parce qu’elle est « race » ou « ethnie » :  ce serait alors procéder à un amalgame que rien ne peut étayer, il n’y a ici comme ailleurs aucun lien entre « race » et « religion » ( il n’est qu’à regarder le réel), tous les arabes ne sont pas musulmans, tous les musulmans ne sont pas des arabes ( que l’on rattache  au groupe ethno-linguistique des « sémites », lui-même relevant de la « race » dite « blanche » …). Chacun devrait réfléchir à cela quand il manipule les mots « délicats », en particulier quand il évoque toute forme de discrimination : par exemple, je n’arrive pas à comprendre ce que veut dire l’expression « racisme anti-femmes » que j’entends régulièrement ( y compris dans les meilleures assemblées…) . A force de triturer le sens des mots dans l’approximatif,  on perd toute rigueur et on vide ces mêmes mots de toute substance …

De fait , ce procès a permis de poser – et de belle manière si on lit le réquisitoire de Mme la Procureure  de la République qui a conclu au rejet de la plainte - le principe républicain de la liberté d’expression ( volet constitutif de la liberté de conscience) et , en ce sens, c’était un procès politique , au sens fort du terme,  car renvoyant à l’acte essentiel et fondateur de 1905 .Il était donc « normal » d’être attentif  aux paroles et aux comportements des « politiques » à ce propos … « Les Laïques en Réseau » avaient d’ailleurs , par lettre individuelle et publique, interpellé  les candidats à l’élection présidentielle, soucieux de transmettre aux électeurs les réflexions de ceux qui se présentent à leurs suffrages. S’ils n’ont pas reçu , à ce jour , de réponses à leur demande, on peut juger des  positions des uns et des autres par leurs comportements  devant une situation concrète qui permettait de juger de la validité de leurs discours électoraux …

Aussi avons-nous eu le plaisir de lire les noms de Roland Castro , de Corinne Lepage , de Dominique Voynet au bas d’un appel de soutien à « Charlie-Hebdo » qui demandait aussi le droit de critiquer toutes les religions ( voir l’hebdomadaire n° 764 ) ..Si d’autres s’y sont joints depuis , qu’ils me pardonnent de ne pas les mentionner au 14 /02 …

Aussi avons-nous apprécié les interventions de François Byrou et de François Hollande    ( qui devait faire oublier son silence du moment où sont parues les caricatures mais qui agissait peut-être en  chargé de mission de Mme Royal , silencieuse, elle …) venus témoigner directement au procès…

Aussi avons-nous noté la lettre de soutien adressée par M. Sarkozy à la défense de « Charlie-Hebdo », dans laquelle il reprenait la phrase qu’il avait prononcée au moment de la parution des caricatures  ( et qui en appelait au respect de la liberté d’expression) …

Et , puisqu’il s’agit ici d’un simple « fax » facilement utilisable , comment devons-nous analyser le fait que ni Mme Buffet ,ni Mme Laguillier ,  ni M. Besancenot,( certes, la LCR a , timidement, fait « surface » au deuxième jour du procès…) n’ont  eu ce « réflexe » d’adresser à l’hebdomadaire poursuivi indûment un petit message de soutien affirmant leur volonté de voir respectée ici et maintenant la liberté d’expression ?  Et M. Bové , en meeting à Aubagne le 7 /02 , comment a-t-il pu parler sans donner son appui à  ceux qui sont mis à l’index par ceux qui veulent s’attaquer de manière indirecte  à l’article premier de la loi de 1905  ? Il est vrai que défiler avec un cortège de « femmes voilées » obscurcit le jugement et précipite vers le communautarisme religieux  . ( On se demande d’ailleurs ce qu’un Michel Onfray , qu’on croyait plus perspicace , va faire dans cette galère qui navigue dans des eaux qui l’incommodaient  précédemment…) .

Il est des silences plus éloquents que des discours …D’autant que c’est ce même silence que ces mêmes candidats opposent au questionnaire « sur la laïcité » que les « Laïques en Réseau » leur ont adressé et auquel huit candidats potentiels ont déjà répondu

A travers ce procès et les réactions qu’il pouvait susciter , c’était la conception du mode d’organisation et de fonctionnement de notre société qui était en jeu

Ou pouvait s’exprimer la parole de ceux pour qui la liberté de conscience et la liberté d’expression sont intangibles, comme sont inaliénables les principes d’égalité des options spirituelles et non spirituelles, de primauté de la loi générale, de l’égalité en droits de l’homme et de la femme et de chacun face à ses droits et devoirs, de la réservation à l’espace public de la ressource publique …  la voix de ceux qui luttent pour le maintien et le renforcement du socle laïque de notre République.

Ou pouvaient se dévoiler ceux qui jouent l’émiettement communautariste de notre société tout en laissant le champ libre à la réappropriation de l’espace public par les Eglises  et les confessions de toutes natures .

L’expérience a montré que la ligne de partage n’est plus  celle des  familles politiques traditionnelles , ce qui rend « le combat laïque »  d’autant plus nécessaire, difficile et  intransigeant  …

                                                                                                      
                                                                                                  Fait le 14 / 02 / 07

                                                                                                 Robert  Albarèdes
                                                                                                      www.laic.fr
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