Présidentielles : "Je suis non-candidat"

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Photo André BellonAndré Bellon, ancien député, est également ancien Président de la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée Nationale.

 




Le 20 septembre 2006, Jean-Marie Le Pen a rassemblé ses troupes à Valmy pour y commémorer la fameuse bataille de 1792. Bien sûr, de droite comme de gauche, on s’en est légitimement ému. Mais qui faut-il condamner ? Ceux qui occupent le terrain de Valmy ou ceux qui le leur ont abandonné ?

Nous voilà face à l’élection présidentielle. Vu d’un point de vue républicain ou tout simplement démocratique, elle apparaît catastrophique.

La classe dirigeante ne cache même plus son mépris du suffrage universel. Les candidats dits crédibles semblent devoir être tous favorables au traité constitutionnel européen contre lequel s’est exprimée une nette majorité de citoyens français. Pire, ils semblent refuser de prendre en compte ce choix.

Bien sûr, tous les candidats s’affirment républicains. Mais ce mot n’a, pour la plupart d’entre eux, aucun sens. Ils sont englués dans une pensée conformiste pour qui, trop souvent, les formes françaises de la République sont dépassées. Ils ne se réclament de la République que de façon opportuniste. Tout particulièrement, les différentes forces de gauche ont largement abdiqué devant la pression des forces dominantes : au nom des contraintes qu’imposerait la mondialisation, elles se laissent aller au fatalisme et adoptent la vision du monde de leurs adversaires, c'est-à-dire un monde dans lequel les États ont renoncé à réguler, à redistribuer les richesses et à administrer eux-mêmes le bien commun. À rebours des principes républicains, elles ne font que consacrer les inégalités et la remise en cause de l’esprit critique et du débat politique. Au nom de la construction européenne, la gauche occidentale a cédé sur tous les fronts politiques, idéologiques et sociaux. La référence au « citoyen », à la « citoyenneté », cache souvent un émiettement de la société ; l’égalité entre humains s’efface devant les relations d’équité entre groupes sociaux ; la liberté n’est plus que libéralisme économique et les services publics cèdent le pas à l’assistance ; la laïcité devient, au mieux, une simple tolérance ; la fraternité disparaît pour laisser place à la compassion.

La seule question qui vaille est en fait celle-ci : combien de temps ce système politique, méprisant et sûr de sa vérité, refusant avec détermination toute volonté populaire est-il susceptible de faire croire à la légitimité de ceux qui en ont la gestion ?

L’élection présidentielle est le paroxysme de ces dérives. La personnalisation submerge tout débat. Les nécessités tactiques diluent tout discours. Qui plus est, l’inversion du calendrier électoral, décidée en son temps par Lionel Jospin, conduit à assujettir encore plus l’élection législative au Président élu.

Dans un tel contexte, il faut clairement dire que le jeu est faussé.  Cette élection est devenue un instrument de destruction du suffrage universel car elle lui ôte sa signification profonde, car elle s’attache à dévaloriser sa légitimité.

Pour ma part, j’ai tenu à dire, au cours de plusieurs conférences que je suis non-candidat à cette élection, non pas comme une manière de sublimer un drame par la plaisanterie, mais comme une façon de dire qu’aujourd’hui, pour sauver le suffrage universel, il faut refuser de participer à ce jeu qui méprise le citoyen et la volonté populaire.