La « charte eur€opéenne des langues régionales ou minoritaires »

Attention, ouverture dans une nouvelle fenêtre. PDFImprimerEnvoyer

La « charte eur€opéenne des langues régionales ou minoritaires »,

machine de guerre d’un multiculturalisme libéral, sonnera sans doute à nouveau la charge contre les valeurs républicaines.

Le parti socialiste  annonce, page 27 de son projet : « Nous reconnaîtrons les identités culturelles régionales, comme prévu par la Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales. » Cette proposition contient deux mensonges : le premier par omission, car la Charte concerne, dans son intitulé comme dans son texte, les  « langues régionales ou minoritaires » ; le second fait de la Charte un simple moyen de reconnaissance des identités culturelles, alors que c’est de bien autre chose qu’il s’agit. C’est sur ces deux points que  le rapport Poignant come le rapport Carcassonne, rapports de commande, avaient brillé par leur complaisante vacuité.

L’UMP, par la voix de son porte-parole, souligne la « nécessité de faire ratifier la Charte des Langues Minoritaires qui est une nécessité pour la préservation de nos traditions et de notre patrimoine culturel. » C’est la même ignorance du contenu réel de la Charte, envisagée arbitrairement sous l’angle du folklore et de la préservation du patrimoine.

A la pression interne s’ajoute la pression interne : M. Gil-Roblès, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe »,  regrettait très officiellement en février 2006 que la France n’ait pas ratifié cette Charte et l’invitait à  « réfléchir à la ratification prochaine de ces instruments.»

C’est pourquoi un rappel de ce qu’est réellement cette Charte s’impose. Comme toutes les Chartes du Conseil de l’Europe, elle est en partie à la carte : à côté de dispositions d’application obligatoire, elle contient des chapitres dont les gouvernements peuvent n’envisager que l’application partielle.

Le Préambule, qui définit la philosophie politique de la Charte, considère que « le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible ». Le Préambule s’adresse à égalité aux « différents pays et régions d’Europe » : ces deux affirmations reviennent fréquemment par la suite. La partie I oblige les Etats à informer les « personnes et organisations » concernées. Mais la partie II, d’application obligatoire, va plus loin en son article 7,4 : « les Parties s'engagent à prendre en considération les besoins et les vœux exprimés par les groupes pratiquant ces langues » ; l’article 7,5 stipule que les Etats doivent respecter «les traditions et les caractéristiques des groupes qui pratiquent les langues en question. » Et il s’est trouvé de doctes juristes pour soutenir que la Charte n’accorde pas des droits à des groupes !

La Charte  constitue ainsi un axe majeur de la politique du Conseil de l’Europe, formulée entre autres dans la Convention Cadre pour la Protection Des Minorités Nationales de 1995. Le même thème était repris dans le texte de la Constitution Giscard.

Il s’agit bien évidemment d’affaiblir en les  fragmentant les Etats-Nations, qui sont à ce jour la seule force capable de réguler le pouvoir absolu des marchés. C’est la fonction idéologique des droits des minorités ethniques, linguistiques et religieuses du Conseil de l’Europe. C’est également la fonction des droits relatifs à l’identité culturelle qui sont devenus l’idéologie de substitution de la gauche depuis environ 1984. Or les tenants de ces droits, souvent admirateurs de Tony Blair, feraient bien de se référer au discours que leur modèle a prononcé le 9 décembre 2006: définissant, après un rappel des attentats de Londres, ce qu’il entend par multiculturalisme, il rappelle que tous, au Royaume-Uni, sont soumis aux mêmes devoirs et jouissent des mêmes droits, et que quelle que soit la culture dont on se réclame, celle-ci ne saurait justifier aucun droit particulier. Or le multiculturalisme niais que rejette Tony Blair a ses partisans en France qui, à droite comme à gauche, récusent la nation républicaine et l’universalisme dont elle est porteuse, à la suite de Joseph de Maistre.

Parmi les nombreuses applications concrètes de la Charte, qu’il suffise de relever celle-ci au chapitre 13: en ce qui concerne toutes les activités économiques et sociales, les Etats doivent encourager la pratique des langues régionales et minoritaires. Diviser pour mieux régner ?

Le débat public précédent sur la Charte, orchestré par des médias partisans, ne fut pas brillant : y aura-t-il même un débat si le prochain gouvernement souhaite la ratifier ?

René ANDRAU