Congrès du 27 mai : allocution d'ouverture

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Congrès national de l’Association des Libres-Penseurs de France :

(Bellegarde, les 27et 28 mai 2006)

 

Allocution d’ouverture

(Roland Monnet, Pt du « Cercle Républicain Edgar Quinet-Aristide Briand)

Chers camarades,

Aujourd’hui, le révisionnisme anti-républicain et anti-laïque s’inscrit plutôt dans une démarche hypocrite, rampante, lénifiante, doucereuse. Il ne gueule plus « Il faut abattre la gueuse », comme avant guerre, au moment du Front Populaire dont nous célébrons d’ailleurs le 70ème anniversaire. Il préfère susurrer, à tous propos, « Vous voyez bien que le modèle républicain ne marche pas ! Il faut le réformer ! Il faut aménager la loi de 1905 ! ».


Aménager la loi de 1905 ! Rien que ça !

Rappelons-en tout de même, en deux phrases, l’énorme portée politique :

1) Elle fonde la République laïque en rassemblant les deux France, historiquement antagonistes au plan religieux, en une même citoyenneté nationale, excluant du même coup l’émergence de toute identité nationale catholique telle que celle prônée par  « l’Action française » de Charles Maurras.

2) Elle donne un contenu universel au principe de laïcité comme modèle d’un « vivre ensemble » garanti par la neutralité de l’Etat.


Mes chers camarades, souvenons-nous bien que le socle du pacte républicain français est constitué par deux principes : a) La volonté commune procède du peuple  et b)  Tous les citoyens sont égaux devant la loi.

Ces principes font, et ce n’est pas un détail ! que la volonté collective, celle du peuple souverain, contraint l’individu à être libre ! C’est à dire le place dans l’obligation de choisir ses options politiques et religieuses uniquement en vertu de critères ressortissant de son intime conviction.

Et c’est cette faculté intangible, qu’offre le droit républicain à chaque citoyen français de choisir son propre chemin spirituel ou politique, qu’entend mettre à bas le communautarisme différencialiste.

Celui-ci revendique en effet des droits à la différence qui seraient spécifiques de chacun des segments ethniques et religieux de la communauté nationale, en vertu de « vérités révélées » le plus souvent antagonistes entre elles. Avec pour conséquence la réinsertion des cléricalismes dans le champ public, lesquels se verraient ainsi octroyés – au nom de la démocratie – le pouvoir de dire le Beau, le Bien et le Vrai en fonction de dogmes indiscutables.


Alors chers amis, tentation ou perfide calcul ? Pour en combattre les effets pervers, doit-on pour autant ériger la « discrimination positive » en panacée universelle ?

Il faut tout de même savoir que cette démarche sous-tend une volonté de « rupture » capitale : celle de placer le  point de vue moral au cœur du « politique » en tant que conception de l’équité comme fondement de la justice ?

Et pour quels résultats ? :

1) L’abolition de la notion d’intérêt général fondé sur l’égalitarisme républicain devant la loi, c’est-à-dire sur la reconnaissance imprescriptible du droit de chacun de faire ou de ne pas faire dans les limites de la loi.

2) Ceci au bénéfice de la segmentarisation de la collectivité nationale en collectivités particulières, ethniques ou confessionnelles, nanties de lois spécifiques qui, dès lors, s’imposeraient à chaque individu desdites communautés particulières.

3) Avec pour conséquence ultime, mais c’est bien le but recherché, la liquidation définitive de l’Etat-Nation France ( ce qui est aussi le vœux des gauchistes du style Toni Negri et compagnie)


Doit-on accepter le risque qu’un jour soit inscrit au fronton des édifices publics, en écho au« Travail, Famille, Patrie » pétainiste rejeté par nos anciens, le triptyque  « Morale, Equité, Justice », en lieu et place du « Liberté, Egalité, Fraternité » républicain ?

Non ? Alors combattons cette idée de discrimination positive qui ne peut reposer que sur des politiques de quotas ethniques et religieux. Et combattons ceux qui les portent. Monsieur Sarkozy notamment.


Chers camarades,

Il est de bon ton de gloser sur la laïcité à la française, qui serait, soi-disant, impropre à l’exportation.

Il suffit cependant de constater que, sous des formes différentes, elle existe dans la plupart des pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis. Cela dit, elle a plus pour fonction de protéger les religions de l’emprise de l’Etat que, comme en France, de protéger l’Etat contre l’emprise des religions.

Et dans les pays où il existe une religion d’Etat, en Grande Bretagne notamment, le principe de tolérance garantit la liberté de pensée et la liberté de religion, y compris la liberté de ne pas en avoir.

En fait, nos sociétés démocratiques sont porteuses de valeurs universelles propres à transcender les différences culturelles. Et même si elles ne les respectent pas toujours, c’est une raison de plus pour les défendre.

Alors, du coup, est-ce faire injure à Nicolas Sarkozy  que de dire qu’il est carrément révisionniste lorsqu’il affirme dans l’un de ses livres, je le cite « préférer l’espérance religieuse à l’espérance sociale » ?…

… Et que, pour ce faire, il veut « réformer » la loi de 1905, tout en proclamant (sur Europe 1, en réponse à une question de Jean-Pierre Elkabach, juste après le retrait du CPE) son anti-égalitarisme et son attachement à la discrimination positive ?

Alors que certains députés de ses amis, tels Messieurs Raoult et Rombaux, proposent ni plus ni moins que de réactiver le délit de blasphème, à la demande d’organisations musulmanes qui refusent le droit à l’irrévérence et à la caricature ?

A quand l’exécution symbolique de Voltaire en place publique et l’autodafé de son œuvre impie ?


Chers amis,

Comme vous le savez, ces révisionnismes plus où moins doucereux ont en commun de prôner le différencialisme communautariste. Avec au cœur de leurs systèmes, le grand retour du religieux qui rendrait acceptable la férocité de la société mondialisée du tout précaire et du tout concurrentiel.

Ainsi, courant avril, à 10 jours des législatives italiennes, le pape Benoît XVI, lors d’une audience accordée aux dirigeants du « parti populaire européen » réunis à Rome (dont Nicolas Sarkozy) a t-il durement critiqué le laïcisme « cette culture qui relègue la manifestation de la conviction religieuse à la sphère du privé et du subjectif ».

Voici donc notre Benoît XVI (.. XVI comme le Louis qui en perdit la tête en 1793…) dans le droit fil du concept de « racines chrétiennes de la France » dont le flop électoral est encore dans toutes les mémoires. 

Alors imaginons que dans le futur, on ne sait jamais en cas de vigilance laïque vacante, cette prétention prenne force de loi ? C’est-à-dire donne pour fonctions officielles aux cléricalismes de tous poils le soin de dire le Beau, Le Bon et le Vrai à la société civile ? En vertu de vérités révélées d’ailleurs parfaitement antagonistes entre elles ?

Alors adieu l’interruption volontaire de grossesse ! Adieu l’école sans dieux ! Bonjour le délit de blasphème ! Bonjour la traque aux penseurs libres ! Place aux impitoyables conflits religieux entre chaque camp de porteurs de salut par la souffrance et le martyre.

Peut-être penserez-vous que j’exagère, que je crie au loup intégriste « bouffeur » de laïques, en prêtant aux cléricalismes la volonté d’être au cœur de la gouvernance de la cité ?

Je viens de rappeler les prétentions vaticanes. Mais souvenons-nous bien, chers camarades, qu’à l’occasion des révoltes banlieusardes de novembre 2005, l’Union des Organisations Islamiques de France a lancé, je cite « une fatwa concernant les troubles qui touchent la France ».

Et ça, c’est du lourd ! du très lourd même ! Car c’est viser à s’affranchir de l’un des fondements constitutionnels de la République, son indivisibilité, en la proclamant « différentia liste » par l’intermédiaire d’une directive – la fatwa - ayant force de loi pour un segment de la collectivité nationale.

Et puis, dans le même temps, le Grand Rabbin qui demande, je cite, « un tribunal rabbinique national chargé de trancher les conflits juridiques entre les juifs »…. faisant ainsi litière, en toute simplicité, du socle républicain d’égalité de droits entre tous les citoyens devant la loi et abolissant du même coup les tribunaux de la République chargés de la dire au nom du peuple français !


Chers camarades,

Je rencontre parfois, et vous aussi, des Français qui se disent laïques. Mais voilà ! Au nom de l’intérêt supérieur de l’unité politique de l’Europe ils profèrent qu’après tout « l’Europe vaut bien une messe » !

Et de dire que par respect pour les Polonais par exemple, il faut constitutionnellement prendre en compte l’exigence vaticane de racines chrétiennes de l’Europe… et, bien entendu, ranger notre laïcité au musée !

Alors question ! En vertu du même principe de respect des convictions d’une majorité de polonais (et de fortes minorités partout en Europe), doit-on inscrire l’antisémitisme, l’homophobie et le délit d’interruption de grossesse au rang de principes constitutionnels ?

Et pourquoi pas le créationnisme tant qu’on y est ?


Mais restons sérieux et puisque d’aucuns cherchent dans l’histoire identitaire de l’Europe matière à liquider la laïcité en tant que socle d’un vivre ensemble universel, opposons leur cette réflexion d’Edgar Morin qui remet bien, si je puis dire, « l’église au milieu du village » :


« L’Europe ne peut être réduite au christianisme. L’Union Européenne ne peut être que démocratique, c’est à dire en rapport avec l’héritage grec.

L’humanisme européen n’a pas seulement une source biblique ou biblico-chrétienne, c’est-à-dire l’idée d’un Dieu qui fait l’homme à son image. Elle a aussi une source grecque profonde selon laquelle ce sont les citoyens qui décident du sort de la cité ce qui, par définition, est une rupture avec l’idée religieuse.

Athéna protège la ville mais n’intervient pas dans le gouvernement. La pensée humaine et la raison humaine n’ont pas besoin du secours de Dieu et de la théologie : elles peuvent critiquer la religion.

Le christianisme, originaire du Moyen Orient et non de l’Europe est largement postérieur à l’apport grec, remis en lumière lors de la Renaissance. De plus, au moyen âge, l’apport arabe fut important dans le domaine des connaissances mathématiques, scientifiques et philosophiques. Quant à l’apport juif, et notamment celui des marranes comme Montaigne et Spinoza, il eut entre autre le mérite d’introduire le scepticisme. 

C’est donc la libre pensée qui définit l’Europe ».


C’est pourquoi chers camarades nous proposons à la réflexion du congrès la résolution suivante :


« Le congrès de l’Association des libres penseurs de France réuni à Bellegarde les samedi et dimanche 27 et 28 mai 2006 :

° Appelle à la vigilance tous les citoyens attachés aux valeurs républicaines de liberté de conscience et de pensée ainsi qu’au principe d’égalité de tous devant la loi.

° Dénonce les entreprises révisionnistes des milieux cléricaux et politiciens vis-à-vis de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat.

° Rappelle que les fondements historiques de l’identité européenne résultent d’apports divers : civilisation greco-romaine, influences chrétiennes, juives et musulmanes, Renaissance et philosophie des Lumières fondées sur la Raison.

° Affirme dès lors que l’identité européenne ne saurait se définir autrement que par la libre pensée.

° S’inquiète des conflits que génèrent les communautarismes ethno-religieux partout dans le monde du fait de leur volonté d’investissement du champ public en fonction des dogmes qu’ils cherchent à imposer.

° Déclare la Laïcité, Bien Commun de l’Humanité afin que soit partout assuré le principe de neutralité de l’Etat, seul garant des libertés individuelles et publiques ».



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Résolution générale du congrès

………….

Laïcité : Bien Commun de l’Humanité

Libre pensée : Fondement de l’identité européenne


L’Association des Libres Penseurs de France, réunie en congrès à Bellegarde sur Valserine, les 27 et 28 mai 2006 :


  • appelle à la vigilance tous les citoyens attachés aux valeurs républicaines de liberté de conscience et de pensée ainsi qu’au principe d’égalité de tous devant la loi ;

  • dénonce les entreprises révisionnistes des milieux cléricaux et politiciens vis-à-vis de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat ;

  • rappelle que les fondements historiques de l’identité européenne résultent d’apports divers : civilisations celtes et greco-romaines, influences chrétiennes, juives et musulmanes, Renaissance et philosophie des Lumières fondée sur la raison ;

  • affirme dès lors que l’identité européenne ne saurait se définir autrement que par la libre pensée ;

  • s’inquiète des conflits que génèrent les communautarismes ethno-religieux partout dans le monde, du fait de leur volonté d’investissement du champ public en fonction des dogmes qu’ils cherchent à imposer ;

  • dénonce le danger que représente pour les libertés individuelles, les fanatismes et les intégrismes religieux et réaffirme la nécessité de combattre à la foi l’intégrisme et le racisme ;

  • à contre courant des menées communautaristes de toutes sortes, seul le pacte républicain et laïque, est propre à faire vivre ensemble les citoyens de toutes origines, indépendamment d’appartenance ou de non appartenance religieuse ;

  • constate la volonté exprimée par plusieurs ministres de « toiletter » la loi de 1905, sous prétexte « d’ouvrir » la laïcité, mais en fait, dans le but dissimulé de réintroduire les religions dans la sphère publique ;

  • s’insurge contre le subventionnement public direct ou camouflé des lieux de cultes et de la formation de leurs ministres ;


Elle demande l’abrogation de la loi d’août 2004 et de sa circulaire d’application du 2 décembre 2005 faisant obligation aux maires de prendre en charge le financement des écoles privées extra-muros. A cet effet, elle encourage les municipalités à surseoir à la mise en œuvre de ces dispositions.


Souhaitant que le 9 décembre soit décrété « Fête de la Laïcité », elle appelle toutes le »s associations laïques à se mobiliser dès cette année pour concrétiser ce projet.


Rappelant les propositions de la commission Stasi, qui suggère au gouvernement d’accorder un temps d’antenne à la télévision et sur les chaînes d’Etat aux courants de pensée non religieuse, elle exigera la modification de la loi du 30 septembre 1986, accordant un droit d’antenne aux seuls cultes religieux.


Attachée au respect de l’individu, l’ADLPF dénonce l’esclavage sexuel sous toutes ses formes, en particulier en Allemagne dans le cadre de la coupe du monde football.


L’ADLPF rappelle son attachement à la liberté d’expression sous toutes ses formes et déclare la Laïcité, Bien Commun de l(Humanité, afin que soit partout assuré le principe de neutralité de l’Etat, seul garant des libertés individuelles et publiques.