Sarkozy en homme tranquille

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Sarkozy en homme tranquille

Salut l’artiste ! Nicolas Sarkozy est un pro, il n’y a sur ce point aucun doute. Depuis le « Sermon sur la Montagne » de Bercy (en tant que mythe fondateur de sa campagne, bien sûr), il nous vend, triangulation oblige, du social plus social que la fracture du même nom, du républicain fleurant bon les grands ancêtres et de la laïcité ultra moderne que s’en est étourdissant et en plus, croix de bois croix de fer, il – a – changé. Il est la rupture tranquille. À contre-emploi notre petit malin ? Sans aucun doute ! Mais aucun barnum médiatique ni aucun pro de la com ne devrait nous faire oublier ce que veut vraiment le ministre-candidat.

Laissons pour l’heure la dimension libérale-atlantiste du personnage pour nous consacrer à son approche de la laïcité, des religions et du communautarisme.

On juge dit-t-on un arbre non à son feuillage mais à ses fruits, effeuillons donc l’arbre des projets sarkosiens dans ces domaines qui nous touchent tout particulièrement. NS est-il vraiment laïc quand il affirme ce 14 janvier : « les intégristes ne doivent pas être confondus avec le sentiment religieux qui porte une part de l’espérance humaine » ? Si la première proposition mérite intérêt, la seconde assène une pétition de principe que nous ne pouvons admettre de celui qui aspire à présider un état laïc.  Sera-t-il le défenseur avisé de la laïcité, l’un des quatre piliers de notre république indivisible, laïque, démocratique et sociale et de ses fondements s’il lâche : «on ne peut pas éduquer les jeunes exclusivement sur de valeurs temporelles, matérialiste, voire même républicaine » ? Peut-on lui faire confiance ?

NS est avant tout un idéologue de droite,  mais attention, pas nécessairement un conservateur au sens strict, l’offre est plutôt une révolution libérale avec ce que ça implique. Si on le lit attentivement, on perçoit que son rêve est de ristourner aux religions le soin de la solidarité. Salto arrière, foin de la solidarité, vive la charité. A l’américaine ! « On aurait tort de cantonner le rôle de l’église aux seuls aspects spirituels. » difficile d’être plus clair. Il se pourrait que NS attende plus des religieux que des religions qui ne sont que pensées et spiritualités privées tant qu’elles ne sont pas relayées par des clercs sensés traduire et organiser l’attente de leurs brebis. Pour l’œuvre de ré-légitimation des religions qu’il entreprend NS à besoin de structures et de correspondants prêts à collaborer. Même démarche pour les sectes comme le montre son empressement auprès de la Scientologie et de son emblématique représentant Tom Cruise. Mais tout ça a un prix, un prix exorbitant.

On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle démarche.

  1. D’abord la volonté de revenir sournoisement vers une sorte de Concordat (Cf. commission Machelon) car NS est un jacobin comme nombre de ses semblables tous héritiers, par leur formation, de cette vieille tradition française, et il aime suffisamment le pouvoir pour laisser à quiconque en puissance de le gêner la bride sur le cou. Pourtant, en organisant une telle contremarche, il se trompe lourdement car en vérité, il offre un statut officiel et organique au religieux. Impliquer l’Etat dans le religieux, c’est impliquer le religieux dans l’Etat. C’est une régression patente.
  2. Le ministre de l’intérieur ne pouvait manquer d’observer que dans les quartiers ghettoïsés et en déshérence sociale des prêcheurs et autres activistes « caritatifs » se sont substitués par leurs actions à la solidarité sociale, donc verticale, pour organiser, désormais horizontalement, les communautés. Nul n’aperçoit ici un progrès quand le résultat est la fermeture et le repli, la négation des valeurs républicaines, l’invention même d’un sabir qui rejette la langue des « gaulois ».

Feignons d’organiser toutes ces choses qui nous dépassent et appuyons nous sur ces structures semble penser NS. Naturellement, ce fin politique qui en appelle à Bercy aux mânes de la gauche la plus digne, sait aussi qu’en politique il vaut mieux s’appuyer sur les « minorités agissantes » que sur des masses atones et peu mobilisées d’où la promotion insensée de l’OUIF, redoutable officine anti-démocratique et antirépublicaine rongée par le fondamentalisme le plus rétrograde. La cible est d’abord pour eux la jeunesse plus facile à endoctriner. Beau résultat si on écoute attentivement l’une de leurs vedettes Farid Abdel : « L’islam c’est un Kärcher qui permet de nettoyer les comportements les plus tordus qui soient ». De quoi réjouir le grand spécialiste du dit instrument ! Et Farid d’expliquer sa renaissance morale pour conclure : « C’est grâce au Centre, à l’islam, (…), je dois tout à dieu ».  Le ré-enchantement des banlieues est en route sous la houlette de l’OUIF et avec la bénédiction du ministre.

Mais tous ces religieux ont besoin de locaux pour exercer. Ils en manquent, qu’à cela ne tienne, NS veille et promet de faire le nécessaire sur fonds publics s’il est élu. Il a enterré le projet de VILLEPIN qui, loin de nier le vrai problème de manque de locaux pour pratiquer dignement, avait initié un système de financement et de gestion des mosquées, entre autre, à partir de Fondations privées, donc de droit privé.

Prenant le contrepied d’A. Briand qui s’écriait à la tribune de l’Assemblée : « Quel est le but que vous poursuivez ? Voulez vous une loi de large neutralité susceptible d’assurer la pacification des esprits ? » Et tirant les conséquences de la loi qu’il défendait il notait que si l’Etat reprenait sa liberté, il n’était que justice que l’église puisse jouir de la sienne. Dans sa folie « réformatrice » NS veut déconstruire un siècle de d’équilibre et de paix civile, accroché, nolens volens, au modèle religieux américain en écho à Marvin O’Lasky déclarant : « Les organisations religieuses sont plus aptes à résoudre le problème de la pauvreté que la bureaucratie sociale parce qu’elle vise à changer les gens plutôt qu’à leur donner de l’argent. » NS n’a rien contre les fondamentalistes : «  Que des hommes de foi croient fondamentalement, fondent leur vie sur la foi et veuillent respecter les fondements de leur religion, quoi de plus normal. » (Ça pourrait être une allitération), enfin, il tombe le masque : « Au bout du compte, l’espérance dans un au-delà est un facteur de d’apaisement et de consolation pour la vie d’aujourd’hui. » De consolation ! Vous avez bien lu. La religion consolera les pauvres, les délocalisée, les SDF, les cabossés de la vie, bref les misérables pendant que Président redressera la France Eternelle à la mode anglo-saxonne. La lecture du discours de Bercy et du bouquin la République, la Religion, l’Espérance est très très instructive, elle effeuille l’arbre sarkosien, elle démasque la « sarkositude ».

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